Sachso
beauté du chant et de la valeur des chœurs du Sud-Ouest que l’on retrouve dans tous les kommandos de Sachso, il devient vite le second hymne national des Français de Sachsenhausen.
« À l’époque du débarquement allié en Italie, une autre fête se déroule à Heinkel. Le Belge Mouleron fait office de présentateur. Alors que les S. S. sont assis au premier rang il déclare gravement entre deux numéros : “J’ai une mauvaise nouvelle à vous apprendre : la Tante Cécile est morte !” Éclat de rire général ! Seuls les S. S. n’ont pas compris qu’il s’agissait de la chute de la Sicile ! »
Selon l’époque et les événements, les S. S. tolèrent en effet ces assemblées ou les interdisent. Le jour de Noël 1944, un sapin garni d’ampoules électriques est planté sur la place d’appel de Sachsenhausen. Sur ordre du commandant, des marks-carton sont distribués pour acheter un peu de bière de cantine, mais tout le monde devra être tondu à ras. Le soir, pour marquer Noël, Émile Bonneirat est prié par ses camarades de block de jouer de l’harmonica et d’imiter des chants d’oiseaux en sifflant, un numéro dans lequel il excelle : « Je me prépare quand subitement le cri “Achtung” (Attention) met tout le block au garde-à-vous. Le commandant du camp, suivi de ses officiers, vient contrôler si les Français sont bien tondus. Mais moi je suis resté perché sur mon tabouret, le souffle coupé. Au-dessus de mes camarades je ressemble à un pendu et n’en mène pas large. Seule exclamation du commandant : “Franzosen Schweine !” (Français, cochons !). Il tourne les talons et s’en va… »
Dans cet autre monde qu’est le camp, monde que Hitler, Himmler et leurs nazis voulaient de boue, de fange pour des sous-hommes, n’est-ce pas leur défaite qui s’inscrivait par avance dans l’auréole qui s’attachait aux artistes, aux chanteurs, aux peintres et dessinateurs dont les portraits étaient très recherchés ? À leur façon, ces hommes ont efficacement contribué à maintenir le moral autour d’eux.
Au cours du dur hiver 1944-1945, chez Klinker, les Français de la fonderie Klinker, qui sont pour la plupart du kommando Heinkel, en apprécient tout le prix, en particulier Guy Chataigné : « Nous sentons que la fin de la guerre approche, mais nos forces déclinent dangereusement. Alors, par défi, on reprend dans le vacarme et la poussière de l’usine les refrains des chansons de France. Guy Ducos le Bordelais, Gustave Viala le Biterrois (qui mourra sous le bombardement du 10 avril 1945) et Primo Pasquini le Lorrain font émerger à pleine voix les souvenirs d’airs qu’ils croyaient ensevelis et qui refleurissent comme par l’effet d’une saine contagion. Moi, le Saintongeais, je me contente de transcrire pieusement les couplets sur un carnet que Jean Bartichan le Nordiste, rompu aux beaux-arts, orne de dessins primesautiers.
« C’est encore Jean Bartichan qui, dans l’angoisse des jours précédant l’évacuation du camp, dessine avec un rare bonheur sur d’humbles feuillets les portraits de camarades tels Cyprien Dordeins, le Landais et moi-même. Et nous réussirons tous deux à rapporter en France, quelque cinq semaines plus tard, ces précieux témoignages. »
CHAPITRE QUATRE
LES KOMMANDOS
Sous le porche de l’entrée du camp, la liste des kommandos extérieurs de travail est inscrite sur un grand tableau noir. Leurs noms bizarres et les effectifs correspondants aboyés par les Vorarbeiter responsables rythment l’ordre de sortie devant le poste de garde. La sentinelle de service compte une nouvelle fois les détenus défilant tête nue, attentifs à parer les coups qui pleuvent toujours à cet endroit sous prétexte de rectifier l’alignement.
AUX ATELIERS DE K.W.A.
Les deux mille cent hommes des Kraftfahrtechnische Versuschsabteilung et W erkzeug Abteilung (ateliers de recherches techniques automobiles et d’études mécaniques) – que chacun abrège par les initiales K. W. A. – sont les plus rapidement rendus. Ils n’ont que cinq cents mètres à franchir pour gagner leurs ateliers près de la caserne S. S. en face du camp. On y monte des camions à chenilles, on y répare des véhicules automobiles et des chars de combat ; on y effectue des travaux de fonderie, tôlerie, carrosserie, mécanique, menuiserie.
Pour cette usine qui appartient à l’administration S. S. et est en mesure de mener à terme
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