Sépulcre

oncle dans Les Tarots  : une table nue, sans aucun des accessoires religieux tels que des cierges, croix d’argent, missel, ou recueils de chants liturgiques. Il était placé dans une abside octogonale, dont la voûte était peinte d’un beau bleu de céruléum, qui lui rappela le somptueux plafond du palais Garnier. Chacun des huit panneaux était tapissé d’un papier peint décoré d’épaisses rayures horizontales d’un rose fané, où s’intercalaient une frise de fleurs de genévriers rouges et blanches et un motif répétitif de disques ou de pièces bleus. À chaque intersection, des moulures en plâtre représentaient des bâtons, peints en or.
    À l’intérieur de chacun des panneaux figurait une seule image peinte.
    Quand elle discerna mieux les images et comprit ce qu’elles représentaient, Léonie en eut le souffle coupé. C’étaient huit tableaux, tous différents, et tirés du tarot. On aurait dit que chacun des personnages était sorti de sa carte pour s’afficher sur le mur. Et ils portaient tous un titre, inscrit en dessous à l’encre noire sur une carte jaunie : Le Mat ; Le Pagad ; La Prêtresse ; Les Amoureux ; La Force ; La Justice ; Le Diable ; La Tour.
    Ils sont de la même main que les dessins figurant dans le livre, songea Léonie.
    Elle hocha la tête d’un air avisé. N’était-ce pas la meilleure preuve que le témoignage de son oncle se fondait sur des événements réels ? La question était de savoir pourquoi ces huit cartes-là avaient été distinguées sur les soixante-dix-huit qu’il énumérait dans son ouvrage. Avec une excitation croissante, Léonie s’approcha et se mit à recopier les noms, mais elle manquait de place sur le minuscule bout de papier qu’elle avait trouvé dans sa poche. Elle regarda autour d’elle pour trouver un support quelconque.
    Alors elle remarqua le coin d’une feuille de papier glissée sous le pilier en pierre de l’autel, et l’en retira. C’était une partition de musique pour piano, écrite à la main sur un épais parchemin jaune. Clef de sol et clef de fa , mesure à quatre temps, sans bémol ni dièse. Le souvenir du sous-titre sur la couverture du livre de son oncle lui revint à l’esprit, ainsi qu’un passage de son témoignage… Il avait noté la musique par écrit.
    Elle lissa la partition et tenta de fredonner à l’oreille les premières mesures, mais elle ne réussit pas à capter la mélodie, malgré son apparente simplicité. Il n’y avait qu’un nombre restreint de notes, qui lui rappelèrent à première vue le genre d’exercices qu’elle avait dû pratiquer étant enfant durant ses leçons de piano, pour acquérir du doigté.
    Alors le motif C-A-D-E lui apparut, et un sourire lui vint aux lèvres. La même séquence de notes se répétait, telle une incantation. C’était beau. Comme le livre l’avait prétendu, cette musique semblait faite pour invoquer les esprits.
    Cette idée en amena aussitôt une autre.
    Puisque la musique a été conservée dans le sépulcre, pourquoi les cartes ne s’y trouveraient-elles pas aussi ?
    Léonie hésita, puis gribouilla la date et le mot « Sépulcre » en haut de la partition pour indiquer où elle avait découvert la musique. L’ayant glissée dans sa poche, elle entreprit de fouiller méthodiquement la chapelle, explorant les fentes, les recoins, les renfoncements des murs de pierre à la recherche d’une cache. En vain. Il n’y avait rien, aucun meuble derrière lequel on aurait pu dissimuler un jeu de cartes.
    S’il n’est pas là, où peut-il donc se trouver ? se demanda-t-elle.
    Elle fit le tour de l’autel. À présent que ses yeux s’étaient accoutumés à la pénombre, elle distingua le contour d’une petite porte, dissimulée dans les huit panneaux de l’abside. Avançant la main, elle en palpa la surface et sentit bien un léger retrait, signalant sans doute une ancienne ouverture qui avait servi autrefois. Elle poussa fort, mais le panneau était fermement fixé, et il ne bougea pas d’un pouce. S’il y avait eu une porte, elle était depuis longtemps hors d’usage.
    Léonie recula, les mains campées sur les hanches. Elle avait du mal à se faire une raison tant son désir était grand de trouver les cartes, mais elle avait épuisé toutes les cachettes possibles et imaginables. La seule solution, c’était de retourner vérifier dans le livre s’il n’y avait pas d’autres indications. Maintenant qu’elle avait vu