Sépulcre
ajouta-t-elle.
— Ou ma fille, répéta Anatole en souriant.
Ils se retournèrent tous deux en entendant des pas sur le sol carrelé.
Pascal s’arrêta au pied de l’escalier, le pardessus d’Anatole sur le bras. À en juger par son expression, il n’avait aucune envie d’être mêlé à cette affaire.
— Il est temps, Sénher, dit-il.
Léonie s’agrippa.
— Je t’en prie, Anatole. Je t’en prie, n’y va pas ! Pascal, ne le laisse pas y aller !
Pascal eut un regard compatissant tandis qu’Anatole, doucement, se dégageait de son emprise.
— Occupe-toi d’Isolde, lui chuchota-t-il. Mon Isolde. J’ai laissé une lettre dans ma garde-robe, si jamais… Elle ne doit manquer de rien. Ni elle, ni l’enfant. Protège-les.
Léonie le regarda, muette de désespoir, tandis que Pascal l’aidait à passer son pardessus, puis les deux hommes se dirigèrent d’un pas ferme vers la porte. Sur le seuil, Anatole se retourna. Il porta la main à ses lèvres.
— Je t’aime, sœurette.
L’air humide du soir s’engouffra dans la maison, puis la porte se referma lourdement sur eux. Léonie écouta le crissement sourd de leurs bottes sur le gravier jusqu’à ce qu’elle n’entende plus rien.
Puis la réalité de la situation la frappa de plein fouet. Elle s’affala sur la dernière marche, posa la tête sur ses bras et sanglota. Marieta se glissa hors de l’ombre en dessous de l’escalier. Elle hésita, puis s’assit sur la marche à côté de Léonie et lui entoura l’épaule du bras.
— Tout ira bien, madomaisèla, murmura-t-elle. Pascal ne laissera personne faire de mal au maître.
Un gémissement de chagrin, de terreur et de désespoir franchit les lèvres de Léonie, comme le hurlement d’une bête prise au piège. Puis, se rappelant qu’elle avait promis de ne pas réveiller Isolde, elle ravala ses larmes.
Ses sanglots s’apaisèrent rapidement. Elle avait le vertige et se sentait curieusement vidée de toute émotion. Elle avait la sensation que quelque chose était pris dans sa gorge. Elle se frotta les yeux à l’aide de sa manche.
— Est-ce que ma…
Elle se tut, ne sachant plus très bien, désormais, comment désigner Isolde.
— Est-ce que ma tante dort encore ? reprit-elle.
Marieta se leva et lissa son tablier. D’après son expression, Pascal avait dû la mettre dans la confidence.
— Vous voulez que j’aille voir si madama est réveillée ?
Léonie secoua la tête.
— Non, laisse-la se reposer.
— Je peux vous apporter quelque chose ? Une tisane, peut-être ?
Léonie se leva à son tour.
— Non, ça va aller, maintenant. (Elle sourit.) Je suis sûre que tu as à faire. En plus, mon frère aura besoin de se restaurer lorsqu’il rentrera. Il ne faudra pas le faire attendre.
Les regards des deux jeunes filles se croisèrent.
— Très bien, madomaisèla, dit enfin Marieta. Je vais m’assurer que tout soit prêt à la cuisine.
Léonie resta un moment dans le vestibule, à épier les bruits de la maison, pour s’assurer qu’aucun témoin ne puisse la surprendre. Quand elle fut bien certaine que tout était tranquille, elle gravit rapidement l’escalier, la main posée sur la rampe en acajou, et courut sur la pointe des pieds jusqu’à sa chambre.
Des bruits lui parvinrent des appartements d’Anatole. Elle se figea, doutant d’avoir bien entendu, car elle l’avait vu quitter la maison une demi-heure auparavant avec Pascal.
Elle était sur le point de poursuivre son chemin quand la porte s’ouvrit brusquement sur Isolde, qui faillit lui tomber dans les bras. Ses cheveux blonds étaient dénoués et sa chemise, ouverte sur son cou. Elle semblait hagarde, comme si un démon ou un fantôme l’avait tirée de son sommeil. Léonie ne put s’empêcher de remarquer les vilaines cicatrices rouges qu’elle portait au cou, et détourna les yeux. Elle éprouvait un tel choc à voir sa tante, toujours si élégante et posée, dans un tel état d’hystérie, qu’elle parla d’une voix plus cinglante qu’elle ne l’aurait voulu.
— Isolde ! Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-il arrivé ?
Isolde secouait la tête, comme pour exprimer un violent désaccord, en brandissant un papier.
— Il est parti ! Pour se battre ! s’écria-t-elle. Nous devons l’en empêcher !
Le sang de Léonie se glaça dans ses veines. Isolde avait trouvé trop tôt la lettre qu’Anatole lui avait laissée dans sa garde-robe.
— Je n’arrivais
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