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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
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creux d’un profond canapé. Comme elle avait enfin l’âge légal de commander de l’alcool dans un endroit public, elle s’offrit du Sonoma Cutter Chardonnay à sept dollars le verre. C’était cher, mais il le valait. Moelleux et velouté, il gardait au cœur de son arôme le bois du fût où il avait mûri pour obtenir une belle nuance jaune d’or.
    Mais pourquoi diable se souvenait-elle de ça ?
    Dehors, il neigeait. Des flocons persistants, réguliers, dans un ciel blanc, couvrant le monde d’une chape de silence. Au comptoir du bar, une vieille dame en manteau rouge et chapeau de laine enfoncé sur les yeux criait au barman « Parlez-moi ! Pourquoi refusez-vous de me parler ? » exactement comme la femme dans le fameux poème d’Eliot, The Waste Land. Comme Meredith, les autres clients accoudés au bar faisaient mine de ne pas la remarquer.
    Meredith venait juste de rompre avec son petit ami, et elle était contente de passer un week-end loin du campus. C’était un prof de maths de l’université. Ils étaient devenus amants tout naturellement, après de petits signes avant-coureurs, échanges de regards, gestes familiers. Lui, s’asseyant sur le bord du tabouret de piano pendant qu’elle jouait, ou posant nonchalamment une main sur son épaule tard le soir, entre les rayons sombres de la bibliothèque. C’était une relation sans avenir car ils n’avaient pas les mêmes envies, mais tant qu’elle avait duré, ils avaient pris du bon temps ensemble, au lit comme ailleurs, et Meredith n’avait pas eu le cœur brisé.
    N’empêche, c’était bon de se retrouver chez soi.
    Presque tout le week-end, coincées par la neige, Mary et elle n’avaient fait que parler. Elle l’avait questionnée sur la vie et la mort précoce de sa mère biologique, ces mystères, ces non-dits qu’elle avait toujours voulu éclaircir tout en redoutant ce qu’elle pourrait apprendre. Les circonstances de son adoption, le suicide de sa mère, les souvenirs douloureux, plantés comme des éclats de verre sous sa peau.
    Meredith en connaissait les grandes lignes. Jeanette, sa génitrice, était tombée enceinte toute jeune, lors d’une fête bien arrosée que les supporters de l’équipe de son lycée avaient organisée sur le parking d’un stade, et elle s’en était rendu compte trop tard, quand il n’y avait plus moyen d’y remédier. Les cinq premières années, Louisa, la mère de Jeanette, avait essayé de soutenir sa fille, mais elle était morte subitement d’un cancer, privant ainsi Meredith d’une influence stable et rassurante. Ensuite, les choses s’étaient vite dégradées. Quand elles avaient vraiment mal tourné, Mary, une cousine éloignée de Jeanette, était intervenue. Un jour, il était devenu évident que, pour sa propre sécurité, Meredith ne devait plus revenir chez elle. Quand Jeanette se suicida, deux ans plus tard, il parut judicieux de donner à ce lien une forme plus officielle. Alors Mary et Bill adoptèrent Meredith. Et même si elle avait gardé son nom de famille et continué d’appeler Mary par son prénom, comme elle l’avait toujours fait, Meredith s’était enfin senti le droit de considérer Mary comme sa mère.
    C’était au Pfister Hôtel que Mary avait donné à Meredith les photographies, ainsi que la partition de musique pour piano. Sur la première photo, un jeune homme en uniforme posait debout sur une place de village. Des cheveux noirs bouclés, des yeux gris, un regard franc. Il n’y avait pas son nom, mais une date, 1914, ainsi que les noms du photographe et du lieu, Rennes-les-Bains, imprimés au dos. Sur la deuxième, on voyait une petite fille habillée à l’ancienne mode. Il n’y avait rien d’écrit, ni date, ni lieu, ni nom. La troisième montrait Louisa Martin, sa grand-mère. Elle avait été prise quelques années plus tard, aux alentours de 1940, à en juger par sa tenue. Louisa était assise devant un majestueux piano à queue. Mary lui expliqua que sa grand-mère avait été une concertiste réputée. La partition qui se trouvait dans l’enveloppe était son morceau fétiche, celui qu’elle jouait en rappel.
    Quand elle vit la photo pour la première fois, Meredith resta songeuse. Aurait-elle persisté dans son envie de devenir musicienne professionnelle si elle avait su plus tôt que sa grand-mère avait vécu elle-même de son talent ? Comment savoir ? Elle n’avait aucun souvenir d’avoir vu ni entendu sa propre mère chanter

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