Serge Fiori : s'enlever du chemin
durant
toute cette période, habitant tantôt chez l’un, tantôt chez
l’autre. Ils forment une famille musicale tissée serrée, en
parfaite symbiose. L’un des plus beaux et des plus touchants moments de partage, pour Serge Fiori, a lieu vers
la fin du spectacle, quand les autres musiciens se joignent
à Harmonium pour la finale d’ Un musicien parmi tant
d’autres. Durant de longues minutes, dynamisés par la voix
d’un demi-million de personnes qui chantent avec eux,
les musiciens bercent le pays à naître. Un peu après, c’est
au tour de Serge de se joindre à Pierre Flynn et au groupe
Octobre pour blower sur leur musique, et là encore, le refrain devient interminable. La foule reprend l’hymne avec
entrain, espérant que cette communion ne s’interrompra
jamais.
En dépit de cet enthousiasme débordant, le show s’achève tranquillement. La clameur diminue, et bientôt,
les musiciens peuvent rentrer chez eux. Mais comment ?
Chaque pouce carré est occupé par des fans qui ne veulent
pas s’en aller, qui s’installent pour la nuit, les uns dormant
à la belle étoile, les autres chantant toujours, déambulant
sur la montagne, le cœur en fête. Ce n’est qu’au petit matin
que Serge Fiori peut enfin redescendre la montagne pour
rentrer à Saint-Césaire. Il se déguise à nouveau – la foule
est toujours dense – et en compagnie de quelques amis,
il retourne chez lui. Il n’a pas dormi ce jour-là, trop exalté
par les images qui tournent en boucle dans sa tête : la foule en liesse, la musique parfaite, la magie qui opère. Il ne
trouvera le sommeil que tard la nuit suivante.
Dans la foule, invité par André Ménard, le producteur
de l’événement, Serge Grimaux était là : il sera appelé à
devenir, quelque temps plus tard, l’agent et l’ami de Serge
Fiori.
À cette étape, l’heptade n’est pas encore tout à fait terminé. Les pistes de base enregistrées, il faut encore ajouter
les voix et les flûtes. C’est Libert Subirana qui jouera les
instruments à vent. Musicien réputé, il a une longue et riche expérience : il a travaillé avec de nombreux artistes,
lors de tournées et sur des plateaux de télévision. C’est Michel Lachance qui pense à lui et qui l’invite à venir jouer
les partitions de l’heptade. Libert accepte et se rend au studio de Saint-Césaire quelques jours. Il se montre très impressionné par la qualité de la musique du groupe. Cette
forte impression est réciproque, puisque quelques jours
plus tard, dans un restaurant de la rue Saint-Denis, Louis
et Serge offrent à Libert de se joindre à Harmonium. Subirana accepte, mais il doit auparavant se désister auprès
d’Yvon Deschamps, qu’il accompagne alors dans sa tournée du Québec.
Libert, baptisé Le Baron par les membres d’Harmonium,
est très heureux d’avoir la chance de jouer avec des musiciens d’un tel calibre sur cet album magnifique. Il établit
rapidement une forte complicité avec Serge ; pour lui, c’est
un pur plaisir de partager la scène auprès d’un Fiori qui le
fait vibrer dans toutes ses interprétations. Subirana se souvient de l’esprit qui régnait dans le groupe.
« Le monde de la musique, c’est un peu comme ça. Tu
rencontres toutes sortes de musiciens, avec lesquels tu
n’as pas toujours d’affinités, mais quand ça clique musicalement, tu deviens très proche. Dans le groupe Harmonium, tous les musiciens étaient très différents. Mais ils se
respectaient ; il s’agissait d’un respect de la musique qui
transcendait les différences. »
Ces différences étaient manifestes, aux yeux de Libert :
lui-même venait du monde du jazz et avait fréquenté le
Conservatoire à Paris ; Denis Farmer était un personnage
coloré, talentueux, exubérant et s’exprimant dans une espèce de franglais ; Robert Stanley protégeait jalousement
sa vie privée, mais se montrait d’une méticulosité hors du
commun ; Serge Locat était un personnage un peu curieux,
doté d’une oreille absolue extrêmement rare ; Monique représentait l’introvertie typique, réfugiée dans son monde
intérieur, mais possédant une voix riche et profonde ; Louis
faisait preuve d’une grande discrétion, mais aussi d’une redoutable intelligence musicale, et, finalement, Serge s’imposait comme l’autodidacte de génie. Selon Libert, la plus
grande force de Fiori, en tant que compositeur et auteur,
«
Weitere Kostenlose Bücher