Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
de Suez 41 .
À mon retour, au mois de mai 1956, je me rendis à Khenchela. Mayer me donna l’ordre de rester à Bône 42 où se trouvait la base arrière du régiment. Il voulait que je la réorganise.
En arrivant là-bas, j’appris que le commandement avait décidé que les parachutistes s’y entraîneraient pour des sauts de masse par vagues de mille hommes. C’était une autre phase de la préparation de l’expédition de Suez.
Beaucoup de régiments étaient donc venus pour sauter. Parmi eux, le 3 e RPC 43 du lieutenant-colonel Marcel Bigeard. Je le connaissais bien. Nous avions été parachutés dans le même maquis de la fédération anarchiste ibérique en 1944 44 .
Il me proposa de sauter avec toute son unité le lendemain matin, 1 er juin 1956. Je le retrouvai au terrain avec Lenoir, dit « la vieille 45 », son adjoint. En tant qu’invité, je devais sauter en premier, et donc embarquer le dernier. Les parachutes étaient pliés à Philippeville par des spécialistes qui travaillaient jour et nuit, puis ils étaient entassés sur l’aire d’embarquement. Chacun se servait au passage. Je crus avoir beaucoup de chance d’en trouver encore un au moment où tout le régiment était déjà embarqué. Mais la chance n’y était pour rien.
Le même jour, à Philippeville, Filiberti avait appris que son commissariat allait être attaqué par un commando. Il avait prévenu le capitaine Vial et tout le monde s’était préparé à recevoir comme il convenait les assaillants qui n’étaient autres que le petit Messaoud et douze de ses hommes.
Il y a eu une sérieuse fusillade. Le petit Messaoud et son équipe furent criblés de balles. Vial fut grièvement blessé par une balle de 9 mm qui lui éclata le fémur sans toucher l’artère, heureusement pour lui.
À Bône, j’ai été largué à quatre cents mètres, tout fier d’être suivi par l’ensemble du 3 e régiment de parachutistes coloniaux. L’ouverture du parachute m’a tout de suite semblé bizarre. Je m’aperçus vite que je ne pouvais plus me servir de mon bras droit. Le parachute était en saucisson. Les suspentes passaient autour de la voilure et mon bras était pris dans le harnais. J’aurais dû ouvrir le ventral tout de suite. Mais, par amour-propre vis-à-vis du 3 e RPC, je ne l’ai pas fait. Le sol se rapprochait et je commençais à entendre les types d’en bas qui me criaient :
— Ventral, ventral !
Je croyais avoir le temps. Au dernier moment, j’ai agrippé le ventral et je l’ai jeté devant moi pour l’ouvrir. Malheureusement, le ventral aussi s’est mis en torche. Je l’ai rattrapé et j’ai essayé de l’écarter pour le déplier puis je l’ai lancé de nouveau et il s’est ouvert. Au même moment, j’ai ressenti une terrible secousse : je venais de toucher le sol. Je ne sentais plus rien. C’était magnifique, presque surnaturel, de voir tous ces hommes qui descendaient du ciel. J’ai entendu des cris lamentables. C’était mon chauffeur. J’essayai vainement de me tourner vers lui. J’étais paralysé, mais je ne perdis pas conscience. 1
Nous fumes quatorze à nous retrouver à l’hôpital.
— Vous avez de la chance, juste une fracture de la colonne vertébrale, me dit une religieuse qui tenait lieu de surveillante. Ça vaut mieux que de se casser une jambe.
— Ma sœur, vous plaisantez, j’espère ?
— Pas du tout, capitaine ! La colonne, ça s’arrange très bien. Mais les jambes, ça ne s’arrange pas toujours. J’ai l’habitude.
Le chirurgien m’assura qu’il avait eu la même fracture lors d’un accident de moto. Je souris tristement en repensant à mes vols planés en Harley - Davidson quand j’étais au fort de Montlouis, le PC du 11 e Choc.
— Docteur, dites-moi la vérité ! Je serai paralysé , n’est-ce pas ?
— Je vais tout faire pour que ça n’arrive pas, je vous le promets. C’est moi qui vais vous opérer, et je serai bon.
— Si ça marche, je pourrai ressauter ?
— Dans six mois.
Le médecin a été bon. Il m’a étiré selon une technique mise au point, parait-il, par le professeur Merle d’Aubigné, un célèbre chirurgien de l’époque. Ensuite il m’a plâtré. J’ai été transféré à l’hôpital d’Alger et rapatrié en France. Pendant quatre mois, totalement immobilisé, j’ai traîné dans les hôpitaux militaires parisiens. D’abord à l’hôpital Percy de Clamart, puis à l’hôpital Villemin,
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