Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
près de la gare de l’Est.
Je ne retournai en Algérie qu’en octobre 1956. À mon grand désespoir, l’essentiel de mon régiment était parti sans moi pour Chypre. Je n’avais pas le droit de sauter en parachute jusqu’au printemps 1957, mais c’était quand même mieux qu’un fauteuil roulant.
Le 5 novembre 1956, j’appris, le cœur serré, que le 2 e régiment de parachutistes coloniaux de Philippeville avait sauté la veille sur Suez. Les larmes me montèrent aux yeux en imaginant tous ces hommes dans le ciel d’Égypte. On ne pouvait pas m’infliger une punition plus sévère. J’avais la chance d’être de passage dans l’année régulière, il y avait une guerre où les parachutistes étaient utilisés pour la première fois à leur vraie valeur, et moi j’étais infirme. Dire que j’avais préparé l’opération dans les moindres détails !
Le 1 er REP avait débarqué.
Mon régiment, lui, était resté à Chypre et se morfondait là-bas. Ce fut ma seule consolation.
Alger
Je revins à Chebli, dans la Mitidja, où se trouvait maintenant la base arrière du régiment placée sous les ordres du commandant Lafargue, un joyeux camarade que l’on avait surnommé Pétanque, Il était un peu plus âgé que moi. Nous étions ensemble à Saint-Maixent.
Je fus logé dans une villa que Robert Martel avait prêtée au colonel Mayer.
Martel, pied-noir, partisan résolu de l’Algérie française, était un notable très connu et très influent en Algérie. Il avait également prêté des fermes pour héberger le reste de nos effectifs.
Il ne se passait pas grand-chose à Chebli où je ne connaissais personne. Lafargue avait de bonnes relations avec le secteur voisin qui était tenu par un régiment de l’arme blindée, le régiment de chasseurs d’Afrique du colonel Argoud. Là-bas, au moins, il y avait de l’action. Les cavaliers du 3 e RCA se battaient comme des lions dans la montagne voisine, sur les contreforts de l’Atlas blidéen. Mais nous n’avions pas les moyens d’y aller puisque nous n’étions qu’une centaine, nouvellement affectés ou convalescents.
Je venais d’être nommé commandant et, de ce fait, je ne pouvais plus exercer les fonctions d’officier de renseignements. J’étais désormais chef d’état-major du régiment 46 . Lafargue m’enviait. Il me disait qu’en faisant du zèle j’aurais au plus une heure de travail par jour Mais les sinécures ne me convenaient pas et je m’ennuyais ferme. Alors, je pris le temps d’observer les événements.
La situation s’était considérablement dégradée pendant mon absence. Plusieurs dizaines d’attentats avaient lieu chaque jour, particulièrement a Alger où le FLN avait décidé de développer son action. C’était une ville majoritairement peuplée de pieds-noirs qu’il fallait désespérer jusqu’à les mettre en fuite. La zone autonome, une organisation à la fois militaire et politique, fut mise en place par le FLN pour quadriller les quartiers musulmans d’Alger et notamment la Casbah, vieille cité dont tes ruelles étroites, les dédales, les maisons formées de cours intérieures et de terrasses, offraient aux rebelles une citadelle imprenable. Cette zone autonome s’attacha à multiplier les actes terroristes de telle sorte que le gouvernement soit rapidement conduit à une impasse.
Alger connaissait ainsi trois ou quatre attentats quotidiens, visant en priorité des cibles civiles et dont la fréquence tendait à se précipiter.
La zone autonome d’Alger et de sa banlieue était dirigée par un homme de trente-trois ans, Larbi Ben M’Hidi, né dans une famille de fermiers fortunés, qui avait fait des études de diéâtre avant de se lancer dans l’action clandestine. Il s’était mis en tête de pousser le terrorisme à un point tellement critique que la France serait contrainte d’abandonner l ’ Algérie. Il s’attendait également à une riposte d’autant plus sévère des autorités françaises que les attentats devenaient de plus en plus spectaculaires. Le 30 septembre, des bombes avaient éclaté au Milk Bar et à la Cafétéria, des endroits fréquentés par les jeunes Algérois : on avait dénombré quatre morts, cinquante-deux blessés, souvent mutilés.
Ben M’Hidi était secondé par un boulanger de la Casbah de vingt-huit ans, Yacef Saadi, et par le redoutable Ali la Pointe. Je ne savais pas le rôle que j’allais jouer dans le destin de ces hommes et j’ignorais
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