Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
encore leur nom.
Pendant le mois de novembre 1956, la terreur régna à Alger. Ainsi, dans l’après-midi du 13, trois bombes furent lancées par des agents du FLN, l’une dans un autobus à la gare d’Hussein-Bey (trente-six victimes), l’autre dans un grand magasin (neuf blessés graves), la troisième dans une gare.
Le lendemain, un employé de l’Électricité-Gaz d’Algérie, par ailleurs militant du PCA, Fernand Iveton, fut arrêté alors qu’il avait dissimulé une bombe à retardement amorcée dans son vestiaire de l’usine à gaz. C’est un ouvrier qui, entendant le « tic-tac » de la minuterie, avait donné l’alerte. De rapides investigations policières permirent d’établir qu’Iveton avait préparé un second engin. Heureusement, le mécanisme de mise à feu de l’autre bombe avait été mal réglé, et elle fut récupérée intacte quelques heures plus tard derrière le commissariat central.
Le 28, trois nouvelles bombes explosèrent en plein Alger. Ces engins, placés le même jour à la même heure, supposaient une importante organisation. Du chef de la zone autonome aux poseurs ou poseuses de bombes, il fallait une structure et un réseau de complicités (informateurs, fournisseurs d’explosifs, artificiers, logements, etc.) mobilisant des milliers de militants.
Un mois plus tard, la veille de Noël, une bombe placée dans un car scolaire tua ou mutila des enfants. Cependant, l’assassinat d’Aït Ali, président du Conseil général d’Alger, et plus encore celui d’Amédée Froger, maire de Boufarik et président de la Fédération des maires d’Algérie, par Ali Amar, dit Ali la Pointe 47 , frappèrent davantage les esprits. Le 30 décembre, lors des obsèques de Froger, un cortège d’au moins vingt mille personnes se forma à Alger. Une partie d’entre elles se livra à des exactions meurtrières contre les musulmans.
C’est dans ce climat de psychose que mon régiment rentra de Chypre à la fin décembre 1956. Mes anciens adjoints étaient revenus, sauf Issolah, qui avait été envoyé à l’école d’officiers, et Soutiras. En renfort, arrivèrent l’instituteur Zamid, un appelé tunisien, et l’ex-fellagha Babaye. Ils étaient maintenant à la disposition de l’OR qui m’avait succédé, le capitaine Assémat. Il n’arrivait pas à se faire accepter, car on lui reprochait d’être resté instructeur à l’école de cavalerie du Maroc au lieu d’être allé se faire tuer comme tout le monde en Indochine.
Je restai à Chebli jusqu’au début de l’année 1957. J’espérais que le régiment allait bientôt repartir en opérations mais rien n’était prévu dans l’immédiat. Apparemment, le FLN se méfiait des réactions possibles de l’armée française à la suite de l’opération de Suez. Chez nous, la déception l’emportait parce que cette expédition fort bien entamée avait avorté pour des raisons politiques et diplomatiques. Il nous tardait d’avoir l’occasion de prendre une revanche.
Le 7 janvier 1957, Prosper reçut un appel téléphonique du colonel Godard, le numéro deux de la 10 e division parachutiste :
— Massu vient d’être investi de fonctions d’une importance exceptionnelle. Il devient superpréfet de la ville d’Alger et du nord du département. Il va s’installer à la préfecture. Il a besoin de constituer un état-major. Envoie-nous deux de tes officiers.
— Pour quelles fonctions ?
— Les fonctions ne sont pas définies, il s’agit de maintenir l’ordre et de protéger la population contre le terrorisme du FLN.
Ainsi le ministre résidant Robert Lacoste avait-il confié ses pouvoirs de police à Massu et à sa 10 e division parachutiste, avec la mission d’« extirper le terrorisme du Grand Alger ».
Mayer me fit appeler, m’informa de la conversation qu’il venait d’avoir avec Godard et me demanda de réfléchir à deux noms que je lui proposerais. Après les mois passés à Philippeville, et compte tenu du tour que prenait la situation à Alger, j’imaginais sans difficulté la nature de la mission qu’on avait confiée à Massu. Comme on ne pouvait éradiquer le terrorisme urbain par les voies policières et judiciaires ordinaires, on demandait aux parachutistes de se substituer tant aux policiers qu’aux juges. S’ils objectaient que ce n’est pas là un métier de soldat, on leur répondrait que, les rebelles ayant décidé de taire la guerre en ville par la terreur, les
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