Shogun

fait
convenable… J’aimerais seulement prendre un bain, si vous le permettez… cette
humidité, neh ? Je camperai, avec votre
permission, sur la crête.
    — Comme vous voulez. » Jozen
s’inclina avec raideur et se retira, entouré de ses hommes. Deux archers
gardaient leurs chevaux.
    Une fois qu’ils se furent éloignés, le visage
de Yabu devint rouge de colère : « Qui m’a trahi ? Qui ? Où
est l’espion ? » Igurashi congédia les gardes. Il était tout aussi
pâle que Yabu.
    « Ce doit être à Yedo, Sire. La sécurité
est parfaite, ici.
    —  Oh ko ! dit Yabu, déchirant presque ses vêtements. Je suis trahi. Nous sommes
isolés. Izu et le Kwanto sont isolés. Ishido a gagné. Il a gagné. »
    Omi dit rapidement : « Il n’a pas
encore gagné. Il reste vingt jours, Sire. Envoyez immédiatement un message à
sire Toranaga. Informez-le de la…
    — Imbécile ! siffla Yabu. Toranaga
le sait déjà. Là où j’ai un seul espion, il en a cinquante. Il m’a laissé dans
le piège !
    — Je ne le crois pas, Sire. Iwari,
Mikawa, Totomi et Suruga lui sont tous hostiles, neh ? Hostiles à tous ceux qui sont ses alliés. Ils ne l’auraient jamais
prévenu. Il ne le sait donc peut-être pas encore. Informez-le et
suggérez-lui… »
    — Tu n’as donc point entendu ? cria
Yabu. Les quatre Régents sont tombés d’accord sur la nomination d’Ito. Le
Conseil a retrouvé une existence légale et se réunit dans vingt jours !
    — La solution est très simple, Sire.
Suggérez à Toranaga de faire assassiner Ito Teruzumi ou l’un des trois autres
régents sur-le-champ. »
    Yabu resta bouche bée. « Quoi ?
    — Si vous ne voulez pas le faire,
laissez-nous, Igurashi-san ou moi, le faire. Sire Ito mort, Ishido se retrouve
seul.
    — Je ne sais pas si tu es devenu fou, dit
Yabu aux abois. Réalises-tu ce que tu viens de dire ?
    — Sire, je vous adjure d’être patient
avec moi. L’Anjin-san vous a appris des choses inestimables, neh ? Plus que nous ne pouvions en espérer. Toranaga sait tout ça
par vos comptes rendus et ceux de Naga-san. Si nous pouvons gagner du temps,
nos cinq cents mousquets et les trois cents supplémentaires nous donneront une
puissance de feu absolue, unique. Quand l’ennemi, quel qu’il soit, aura compris
notre stratégie, il l’apprendra très vite. Mais il aura perdu la première
bataille. Une seule bataille, si c’est la bonne, peut assurer la victoire
totale à Toranaga.
    — Ishido n’a pas besoin de bataille. Il
reçoit le mandat de l’empereur dans vingt jours.
    — Ishido est un paysan. Il est le fils
d’un paysan menteur. Il abandonne ses camarades au feu du combat. »
    Yabu regarda fixement Omi, le visage marbré.
« Tu… te rends-tu compte de ce que tu es en train de dire ?
    — C’est ce qu’il a fait en Corée. J’y
étais. Je l’ai vu. Mon père aussi. Ishido a effectivement abandonné Buntaro-san et nous a laissés nous frayer un chemin seuls.
Ce n’est qu’un paysan, un traître… le chien du Taikô, c’est vrai. Vous ne
pouvez pas faire confiance aux paysans. Mais, Toranaga, lui est un Minowara.
Vous pouvez lui faire confiance. Je vous conseille de prendre à cœur ses
intérêts. »
    Yabu secoua la tête. Il n’en croyait pas ses
oreilles. « Es-tu sourd ? N’as-tu pas entendu Nebara Jozen ?
Ishido a gagné. Le Conseil prend le pouvoir dans vingt jours.
    —  Peut le
prendre…
    — Même si Ito… comment pourrais-tu ?
C’est impossible.
    — Je peux essayer mais je ne parviendrai
pas à le faire à temps. Personne ne peut réussir ; pas en vingt jours.
Toranaga, seul, peut réussir. » Omi savait qu’il s’était jeté dans la
gueule du loup. « Je vous supplie d’envisager ma suggestion. »
    Yabu s’essuya le visage. Ses mains étaient
moites. « Après une telle invitation, si le Conseil se réunit et si je ne
suis pas présent, moi et tout mon clan sommes des hommes morts, toi y compris.
J’ai besoin de deux mois pour entraîner mes hommes. Même s’ils étaient fin
prêts, Toranaga et moi-même ne pourrions jamais vaincre les autres. Non, tu as
tort. Je dois soutenir Ishido. »
    Omi dit : « Vous n’avez pas besoin
de vous rendre à Osaka avant dix jours. Quatorze, si vous y allez en marche forcée.
Parlez immédiatement de Nebara Jozen à Toranaga. Vous sauverez Izu et la maison
des Kasigi. Je vous en conjure. Ishido va vous trahir et vous dévorer. Ikawa
Jikkyu est son parent,