Shogun
inestimable.
« Ah, oui, dit-il, de meilleure humeur,
au souvenir de cette nuit-là.
— La pierre que j’ai trouvée à Kyushu. Tu
voulais la rebaptiser “le barbare en attente”, n’est-ce pas ?
— Oui, Sire, si cette appellation vous
plaît toujours, dit Omi. Me feriez-vous l’honneur de choisir son emplacement
dans mon jardin, demain ? Je ne crois pas qu’il y ait d’endroit
satisfaisant.
— J’en déciderai demain. Oui. » Yabu
laissa errer ses pensées, puis il remarqua la présence de Zukimoto.
« Qu’attends-tu ? Va-t’en !
— Vous m’aviez demandé de vous rappeler
les problèmes d’impôts, Sire. »
Zukimoto transporta sa masse de chair suante
et sortie en hâte.
« Omi-san, tu vas immédiatement doubler
les impôts.
— Oui, Sire.
— Maudits paysans qui ne travaillent pas
assez ! Ils sont paresseux. Tous ! Je leur garantis la sécurité des
routes terrestres et maritimes contre tous les bandits. Je leur offre un bon
gouvernement et qu’est-ce qu’ils font ? Ils passent leurs journées à boire
du thé, du saké et à manger du riz. Il est temps que mes paysans songent à
prendre leurs responsabilités !
— Oui, Sire. »
Yabu en vint au sujet qui lui tenait pour le
moment le plus à cœur.
« L’Anjin-san m’a vraiment stupéfié,
cette nuit. Pas toi ?
— Oh, oui, Sire. Plus que vous. Mais vous
avez fait preuve de sagesse en le laissant s’engager totalement.
— Tu veux dire qu’Igurashi avait raison ?
— J’admire simplement votre sagesse,
Sire. Il vous aurait fallu dire “non” un de ces quatre matins. Je crois que
vous avez fait preuve d’une grande sagesse en le lui disant tout de suite.
— J’ai cru qu’il allait se tuer.
Heureusement que tu étais près. J’étais d’ailleurs persuadé que tu serais prêt
à intervenir. L’Anjin-san est un homme extraordinaire, pour un barbare, neh ? Dommage qu’il soit barbare et stupide.
— Oui. »
Yabu bâilla, accepta le saké que lui offrait
Suzu. « Quinze jours ? Mariko-san doit au moins rester quinze jours,
dis-tu ? Je prendrai ensuite une décision vis-à-vis d’elle et de
l’Anjin-san. Il a besoin de recevoir bientôt une autre leçon. » Il rit,
montrant ses dents gâtées.
« Si l’Anjin-san nous apprend des choses,
nous devrons à notre tour lui en apprendre, neh ? On pourra lui apprendre
à se faire seppuku correctement. Ce sera à voir, neh ? Veille là-dessus. Oui, je suis d’accord avec toi. Les jours du barbare
sont comptés. »
32
Douze jours plus tard, le courrier d’Osaka
arriva accompagné par dix samouraïs. Les chevaux, couverts de sueur et d’écume,
étaient exténués. Les fanions piqués au haut des lances portaient l’emblème du
tout-puissant Conseil des régents. Il faisait chaud. Le temps était couvert et
humide. Le courrier, lieutenant d’Ishido, était un samouraï de haut rang,
ascétique et de taille élancée. Il s’appelait Nebara Jozen et était réputé pour
sa rudesse. Son uniforme gris était froissé et maculé de boue, ses yeux rouges
de fatigue. Il refusa la boisson et la nourriture qu’on lui offrait et exigea
audience immédiate auprès de Yabu.
« Veuillez excuser mon arrivée, Yabu-san,
mais mon motif est urgent. Oui, je vous en demande pardon. Mon maître veut
savoir pourquoi vous entraînez les soldats de Toranaga avec les vôtres. Il veut
également savoir pourquoi ils s’entraînent avec ces mousquets. »
Yabu rougit devant tant d’insolence, mais se
contint, sachant que Jozen avait dû recevoir des instructions, qu’un tel manque
de manières signifiait une position de force authentique. Il était furieux que
des fuites aient encore eu lieu au sein de son réseau de sécurité.
« Vous êtes le bienvenu, Jozen-san. Vous
pouvez assurer votre maître que je prends toujours ses intérêts à cœur »,
dit-il avec une courtoisie qui ne trompa personne.
Omi-san était assis derrière Yabu. Igurashi,
qui avait été pardonné quelques jours plus tôt, se trouvait près de Jozen. Des
gardes dignes de confiance les entouraient.
« Votre maître a-t-il dit autre
chose ? »
Jozen répondit : « Mon maître sera
heureux de savoir que vos intérêts sont toujours les siens. Mais en ce qui
concerne les mousquets et cet entraînement, il aimerait bien savoir pourquoi le
fils de Toranaga, Naga, est second en chef. Second en chef de quoi ? Qu’y
a-t-il de si important ici pour justifier sa présence ?
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