Shogun
obéir à
ses ordres.
Il avait vu cet homme pendant la tempête, sur le pont qui
tanguait. Il était comme un kami marin, sans peur, dans son élément. Il faisait en même temps corps avec la tempête. Il avait alors
pensé qu’il valait mieux ramener ce pirate et tous les autres, à terre, pour
pouvoir s’en occuper. En mer, nous sommes en leur pouvoir.
Il voyait bien que le barbare était impatient. Qu’ils
peuvent être insolents, pensa-t-il. Je devrais pourtant te remercier. Tout le
monde dit que c’est grâce à toi si le bateau est maintenant en sécurité. Tout
le monde dit que l’Anjin Rodrigu a perdu le contrôle de ses nerfs et nous a
entraînés loin du rivage. Mais tu as tenu le cap, oui. Si nous étions allés en
haute mer, nous aurions certainement coulé et j’aurais manqué de parole à mon
maître.
Ses membres lui faisaient mal. Il était exténué par les
efforts qu’il devait faire pour rester stoïque devant ses hommes, Yabu
l’équipage et même ce barbare.
Je hais la mer. Je hais le froid. Je hais la douleur.
« Restez où vous êtes, Anjin-san », dit-il en
montrant son fourreau pour plus de clarté. Il était amusé par le feu glacé qui
brûlait dans les yeux de cet homme. Il regarda le nouveau capitaine-san dès
qu’il fut certain de s’être fait comprendre. « Où sommes-nous ? Sur
le territoire de qui ?
— Je ne sais pas, Sire. Je crois que nous sommes
quelque part dans la province d’Ise. Nous pourrions envoyer quelqu’un à terre,
jusqu’au village le plus proche ?
— Pouvez-vous nous conduire jusqu’à Osaka ?
— À condition de rester très près des côtes, Sire, et
d’aller très doucement. Prudemment. Je ne connais pas ces eaux. Je ne pourrais
pas garantir votre sécurité. Je n’ai pas assez de connaissances et il n’y a
personne à bord susceptible de conduire. À part ce pilote. Si j’avais à prendre
une décision, je vous dirais d’aller par la route. Nous pourrions trouver des
chevaux et des palanquins. »
Hiro-matsu secoua la tête, en colère. Traverser le pays était hors de question. Cela prendrait trop de temps. Il y avait
peu de routes. Il faudrait franchir de nombreux territoires contrôlés par les
alliés d’Ishido. Ajouter à cela les dangers encourus à cause des bandits qui
infestaient les cols. Cela voulait dire qu’il devrait emmener tous ses hommes. Il pourrait certainement se tailler un chemin à
travers les bandits, mais il ne le pourrait jamais si Ishido ou ses alliés
décidaient de l’en empêcher. Tout cela le retarderait un peu plus et il avait
ordre d’amener la cargaison, le barbare et Yabu, vite et sans risque.
« Ça prendra combien de temps si nous longeons la
côte ?
— Je ne sais pas, Sire. Quatre ou cinq jours. Peut-être
plus. Je ne suis pas sûr de moi. Je ne suis pas capitaine, désolé. »
Ce qui veut dire, pensa Hiro-matsu, que je dois compter avec
ce barbare. Il va falloir que je le fasse ligoter pour l’empêcher d’aller à
terre. Qui sait s’il va nous aider, une fois ligoté ?
« Combien de temps devrons-nous rester ici ?
— Toute la nuit, dit le pilote.
— La tempête sera calmée ?
— Elle devrait, Sire, mais on ne peut jurer de
rien. »
Hiro-matsu scruta le rivage, puis le pilote. Il hésitait.
« Puis-je faire une suggestion, Hiro-matsu-san ?
dit Yabu.
— Oui. Oui, bien sûr.
— Comme il semble que nous ayons besoin de la
coopération du pilote pour nous amener à Osaka, pourquoi ne pas le laisser descendre à terre tout en envoyant des hommes avec lui, pour le
protéger ? Mais ils devront revenir avant la nuit. Pour ce qui est de
faire le reste du voyage par la terre, je suis d’accord. Ce serait trop
dangereux pour vous. Je ne me le pardonnerais jamais s’il vous arrivait quelque
chose. Une fois la tempête apaisée, vous serez plus en sécurité à bord du
bateau et vous atteindrez Osaka plus rapidement, neh ? Certainement
demain, au coucher du soleil. »
Hiro-matsu acquiesça, à contrecœur. « Très bien. »
Il fit signe à un samouraï : « Takatashi-san ! Vous prendrez six
hommes avec vous et vous accompagnerez le pilote. Ramenez le corps du
Portugais, si vous le retrouvez. Mais si jamais on touche à un cil du barbare,
vous devrez, vous et vos hommes, vous faire immédiatement seppuku.
— Oui, Sire.
— Avec votre permission, Hiro-matsu-san, je mènerai le
convoi à terre, dit Yabu. Si nous arrivions à Osaka sans le
pirate ,
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