Shogun
les étudia soigneusement et se concentra sur les
détails. À gauche, un jardin multicolore, bien soigné avec ses petits ponts et
sa minuscule rivière. Les remparts se rapprochaient les uns des autres, les
rues se faisaient plus étroites, en arrivant vers le donjon. Il n’y avait pas
d’habitants dans les rues, mais des centaines de serviteurs et… Il n’y a pas
canons ! Voilà la différence !
Si tu avais des armes modernes et si les défenseurs n’en
avaient pas, pourrais-tu défoncer les murailles, enfoncer les portes, faire
pleuvoir une grêle de boulets sur la forteresse, y mettre le feu et la
prendre ? Tu pourrais, avec des bombardes, rendre la vie difficile aux
assiégés, mais ils pourraient soutenir le siège indéfiniment, si la garnison
était déterminée, assez nombreuse, s’ils avaient suffisamment de nourriture,
d’eau et de munitions.
Comment franchir les douves ? En bateau ? Avec des
radeaux équipés de tours ? Son esprit essayait de dresser un plan quand le
palanquin s’arrêta. Hiro-matsu descendit. Ils étaient dans une impasse étroite.
Une énorme porte de bois bardée de fers s’ouvrait dans la
muraille d’une épaisseur de six mètres et se confondait avec les ouvrages
avancés. Cette porte-là à la différence des autres, était gardée par des Bruns.
Ils étaient, de toute évidence, très heureux de voir Hiro-matsu.
Les Gris tournèrent les talons et s’en allèrent. Blackthorne
nota les regards hostiles des Bruns à leur encontre.
La porte s’ouvrit. Il suivit le vieil homme. Seul. Les
autres samouraïs restèrent dehors.
La cour intérieure était gardée par d’autres Bruns. Le
jardin aussi. Ils le traversèrent et pénétrèrent dans le bastion. Hiro-matsu
retira ses espadrilles. Blackthorne fit de même.
Le couloir était recouvert de tatamis, ces nattes douces aux
pieds qui recouvraient les sols des maisons de riches.
Ils montèrent des escaliers en colimaçon, traversèrent des
couloirs, montèrent d’autres escaliers. Il y avait de nombreux gardes. Toujours
des Bruns. Les rayons de lumière qui filtraient par les échauguettes
dessinaient des motifs compliqués sur les murs. Blackthorne vit qu’ils se
trouvaient très haut, au-dessus des trois principaux murs d’enceinte. La ville
et le port s’étalaient au-dessous, telle une tapisserie richement colorée. Le
couloir tourna à angle aigu et se termina cinquante pas plus loin. Blackthorne
avait un goût de fiel dans la bouche. Ne t’inquiète pas, se dit-il, tu sais ce
que tu dois faire. Tu es engagé. Des samouraïs étaient massés devant la
dernière porte, un jeune officier à leur tête. Ils avaient tous la main droite
sur le pommeau de leur épée. Immobiles, mais prêts. Ils fixaient les deux
hommes qui approchaient. Hiro-matsu fut rassuré par leur attitude. Il avait
personnellement choisi ces gardes. Il détestait cette forteresse et pensa
encore une fois qu’il était bien dangereux de la part de Toranaga de s’être
jeté dans la gueule de l’ennemi. Dès qu’ils avaient accosté la veille, il était
allé directement le voir pour lui raconter ce qui s’était passé et pour savoir
si rien de suspect n’avait eu lieu en son absence.
Tout en apparence semblait tranquille. Leurs espions leur
faisaient cependant part d’inquiétantes concentrations ennemies au nord et à
l’est et de la trahison imminente de leurs alliés principaux, les régents
Onoshi et Kiyama, les plus grands daimyôs chrétiens, en faveur d’Ishido. Il avait changé les gardes, les mots de passe et avait une
fois encore supplié Toranaga de s’en aller, mais en vain.
Il s’arrêta à dix pas de l’officier.
11
Yoshi Naga, officier de la garde, était un jeune homme de
dix-sept ans, de caractère vil et dangereux. « Bonjour, Sire. Soyez à
nouveau le bienvenu.
— Merci. Sire Toranaga m’attend.
— Oui. » Même si Hiro-matsu n’avait pas été
attendu, Naga aurait laissé passer. Toda Hiro-matsu était l’une des trois personnes
toujours admises auprès de Sire Toranaga, de jour comme de nuit, avec ou sans
invitation. Naga fit signe à ses hommes qui s’écartèrent. Il ouvrit l’épaisse
porte lui-même.
Hiro-matsu pénétra dans l’immense salle d’audience. À peine
avait-il franchi le seuil qu’il s’agenouilla, mit ses épées devant lui sur le
sol, posa ses mains à plat et s’inclina très profondément, attendant dans cette
position humiliante.
Naga, toujours sur le
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