Sir Nigel
l’autre, et du vieux guerrier, chevalier au noble cœur,
qui lui donnait des conseils et des avis tout comme un maître
artisan à un apprenti.
– Peut-être, mon garçon, êtes-vous comme
tant de ces jeunes qui s’en vont en guerre et savent tant déjà que
c’est peine perdue que de leur donner des conseils…
– Que non, bon seigneur, je ne sais rien,
sinon que je ferai mon devoir et que j’y gagnerai un honorable
avancement ou que je mourrai sur le champ de bataille.
– Vous êtes sage parce que vous êtes
humble, fit Chandos, car celui qui en sait le plus long sur la
guerre sait aussi qu’il y a beaucoup à apprendre. De même que les
rivières et les bois ont leurs secrets, la guerre elle aussi a les
siens qui permettent de gagner ou de perdre une bataille. Car les
peuples de toutes les nations sont courageux et, lorsqu’un brave se
mesure à un autre brave, la victoire de la journée revient à celui
qui est le plus sage et le plus rusé. Le meilleur chien courant
sera pris en défaut s’il est mal conduit et le meilleur faucon
reviendra sans sa proie s’il a été lâché au mauvais moment :
de même, la meilleure armée peut échouer parce qu’elle est mal
commandée. Dans toute la chrétienté, il n’y a point de meilleurs
chevaliers ni écuyers que ceux de France et pourtant nous les avons
déjà vaincus parce que, lors de nos guerres d’Écosse et d’ailleurs,
nous avons appris beaucoup de ces secrets dont je vous parlais.
– Est-ce là que réside votre sagesse,
noble seigneur ? demanda Nigel. Je voudrais moi aussi gagner
cette sagesse et apprendre à combattre, tant avec l’esprit qu’avec
l’épée.
Chandos secoua la tête et sourit :
– C’est dans la forêt et sur les downs
que vous apprenez à jeter votre faucon ou à lâcher vos chiens.
Ainsi donc, c’est dans les camps et sur les champs de bataille
qu’on s’initie aux arcanes de la guerre. C’est là que tous les
grands capitaines sont devenus des maîtres. Et pour cela, il faut
avoir beaucoup de sang-froid, penser rapidement, être aussi
malléable que la cire avant que le plan d’action soit formé, mais
aussi dur que l’acier lorsqu’il est conçu. Il faut toujours se
tenir en alerte, être prudent, mais, avec jugement, transformer
cette prudence en hardiesse lorsqu’on peut tirer un grand profit
d’un petit risque. Il faut avoir l’œil sur le pays, sur le cours de
la rivière, sur le flanc de la colline, sur le couvert du bois et
sur la ligne verte des fondrières.
Le pauvre Nigel, qui avait fondé tous ses
espoirs sur sa lance et sur Pommers pour lui frayer un chemin vers
la gloire, resta confondu devant tant de nécessités.
– Hélas ! s’écria-t-il, comment
acquérir tout cela, moi qui ai à peine pu apprendre à lire et à
écrire, même si le bon père Matthew me brisait chaque jour une
verge de coudrier sur les épaules.
– Vous acquerrez cela, mon fils, où
d’autres l’ont acquis avant vous. Vous possédez la première et plus
grande qualité : un cœur de feu où beaucoup d’autres cœurs
plus froids pourraient puiser une étincelle. Mais il vous faut
apprendre aussi ce que la guerre nous a appris à tous dans l’ancien
temps. Nous savons, par exemple, que des cavaliers seuls ne peuvent
espérer vaincre contre de bons soldats de pied. Cela a été tenté à
Courtrai, à Stirling et, sous mes yeux, à Crécy, où la chevalerie
française est tombée devant nos archers.
Nigel le regarda en fronçant les sourcils.
– Noble seigneur, mon cœur devient lourd
à vous entendre. Vous prétendez donc que notre chevalerie ne peut
rien contre les archers, hallebardiers et autres ?
– Non, Nigel, car il a aussi été prouvé
clairement que les meilleurs soldats de pied ne peuvent tenir
contre des cavaliers en cortes de mailles.
– Mais à qui donc va la victoire ?
demanda Nigel.
– À celui qui sait employer cavaliers et
hommes de pied, usant les uns pour supporter les autres.
Séparément, ils sont trop faibles. Ensemble, ils sont très forts.
L’archer qui affaiblit les lignes ennemies, et le cavalier qui les
rompt lorsqu’elles sont affaiblies, ainsi que cela se produisit à
Falkirk et à Dupplin, voilà le secret de notre force. Mais à propos
de cette bataille de Falkirk, je vous prie de m’accorder votre
attention pendant un moment.
De sa cravache, il se mit à tracer sur le
sable le plan de cette bataille écossaise. Nigel, les sourcils
froncés, faisait de
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