Sir Nigel
un
homme.
– J’ai en effet dû avoir une blessure
légère, fit Nigel faiblement. Mais c’est une honte que de devoir
rester étendu ici, alors qu’il y a du travail qui n’attend que mon
bras… Où vas-tu, archer ?
– Prévenir le bon Sir John que vous vous
remettez.
– Non, reste un moment encore, Aylward.
Je peux me souvenir de tout ce qui s’est passé. Il y a eu un combat
entre deux petits bateaux, n’est-ce pas ? Et je me suis
attaqué à un homme de valeur avec lequel j’ai échangé quelques
coups, c’est bien cela ? Et il était mon prisonnier. Je ne me
trompe pas ?
– En effet, mon bon seigneur.
– Et où se trouve-t-il
maintenant ?
– En bas, dans le château.
Un faible sourire illumina le pâle visage de
Nigel.
– Je sais ce que j’en vais faire,
dit-il.
– Je vous prie de vous reposer, seigneur,
fit Aylward, anxieux. Le médecin personnel du roi vous a vu ce
matin et a dit que vous mourriez sûrement si le bandage devait être
arraché de votre tête.
– Bon, je ne bougerai point, brave
archer. Mais dis-moi ce qui est arrivé sur le bateau.
– Il y a peu à raconter, messire. Si ce
Furet n’avait point été son propre écuyer et n’avait pas pris
autant de temps pour revêtir son armure, il est certain qu’ils
auraient eu le meilleur sur nous. Mais il n’est arrivé sur le champ
de bataille que lorsque tous ses camarades étaient déjà sur le dos.
Nous l’avons emporté sur la
Marie-Rose
parce qu’il était
votre prisonnier. Les autres étaient sans importance : nous
les avons jetés à la mer.
– Tous ? Vivants et morts ?
– Tous !
– Mais c’est très mal !
Aylward haussa les épaules.
– J’ai essayé de sauver un jeune gamin,
mais Cook Badding n’a rien voulu entendre, et il avait Black Simon
et les autres avec lui. « C’est la coutume dans le pas de
Calais, m’a-t-il dit. C’est eux aujourd’hui, ce sera nous
demain. » Alors, ils lui ont arraché ce qu’il avait sur lui et
ils ont jeté à l’eau le gosse qui hurlait. Sur ma foi, je n’aime
guère la mer ni ses coutumes, et je ne me soucie point d’y remettre
encore le pied lorsque je serai rentré en Angleterre.
– Tu fais erreur, il se passe de grandes
choses en mer et il y a des gens de valeur sur les bateaux,
répondit Nigel. Aux quatre points cardinaux, si l’on va assez loin
sur l’eau, on rencontre des personnes qu’on a plaisir à trouver.
Quand on traverse le bras de mer, on arrive chez les Français, qui
nous sont bien nécessaires, car sans eux comment ferions-nous pour
gagner en honneur ? Ou encore, si tu te diriges vers le sud,
avec le temps, tu peux espérer parvenir au pays des incroyants où
il y a de beaux combats et beaucoup d’honneur à gagner pour celui
qui veut y risquer sa personne. Réfléchis, archer, comme la vie
doit être belle, quand on peut aller de l’avant à la recherche
d’avancement et avec l’espoir de rencontrer des chevaliers
débonnaires dont le but est le même. Et quand enfin on meurt pour
la foi, les portes du ciel nous sont grandes ouvertes. De même la
mer du Nord est d’un solide appoint à qui cherche aventure, car
elle conduit dans des pays où vivent encore des païens qui
détournent les yeux de la sainte Bible. Là aussi, un homme peut
trouver des exploits à accomplir et, par saint Paul, Aylward, si
les Français gardent la paix et que j’aie la permission de Sir
John, j’aimerais aller dans ces pays. La mer est une amie chère au
chevalier, car elle mène là où il peut accomplir ses vœux.
Aylward secoua la tête, parce que les
souvenirs étaient trop récents. Mais il ne répondit rien, car à cet
instant même la porte s’ouvrit et Chandos entra. La joie peinte sur
le visage, il s’avança vers la couche et saisit la main de Nigel.
Puis il murmura un mot à l’oreille d’Aylward qui quitta aussitôt la
chambre.
– Pardieu ! voilà qui fait plaisir à
voir ! fit le chevalier. Je crois que vous vous trouverez
bientôt sur pied.
– Je vous demande pardon, mon bon
seigneur, de ne m’être point trouvé à vos côtés.
– En vérité, mon cœur était triste pour
vous, Nigel, car vous avez manqué une nuit comme il en existe peu
dans la vie d’un homme. Tout s’est déroulé ainsi que nous l’avions
prévu. La poterne ouverte, un groupe est entré. Mais nous les
attendions, et tous furent tués ou faits prisonniers. La plus
grande partie des Français étaient restés au-dehors
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