Spartacus
nos sources ne donnent pas de dates précises, il y a tout lieu de croire que c’est à la fin de l’année 73 ou au tout début de 72 que Spartacus et ses hommes viennent menacer Métaponte, puis Thurium et Consentia. Orose confirme ce mouvement vers le sud en expliquant que l’armée des révoltés « décrit un mouvement tournant par Consentia et Métaponte ». Florus parle, quant à lui, du pillage des villas et des bourgs ( villarum atque vicorum ). Il évoque aussi de terribles massacres de populations ( terribili strage populantur ) perpétrés à Métaponte et Thurium dans la continuité des villes prises et mises à sac en Campanie. Enfin, Appien, qui situe cet épisode un peu plus tard dans l’année 72, dit que Spartacus « s’empara des montagnes qui avoisinent Thurium, il prit la ville elle-même ». Plutarque, pour sa part, ne dit rien sur cet épisode 63 . Concrètement, malgré des divergences chronologiques mineures, il semble bien que Spartacus et ses hommes menacent d’abord Métaponte après avoir dispersé l’armée de Varinius. Malgré ce que laisse entendre Florus, il est peu probable que l’armée des esclaves ait pu s’emparer de cette ville importante, qui devait être en alerte depuis plusieurs mois. Orose parle de mouvement tournant et Appien de massacres, sans dire que la ville a été prise. Vers le mois de janvier 72, après avoir pillé le littoral du golfe de Tarente, les esclaves ont pu se diriger vers le sud pour atteindre Thurium et Consentia (l’actuelle Cosenza) pour y passer l’hiver. Ces deux villes du Bruttium, distantes de 70 kilomètres l’une de l’autre, sont reliées entre elles par le fleuve Cratis. D’après la Géographie de Strabon, Consentia est la capitale du Bruttium. Placée à l’intérieur des terres, la cité occupe une position stratégique puisqu’elle est située sur la via Popillia qui relie Rome à l’extrémité de la Botte en direction de la Sicile. A deux jours de marche de Consentia, Thurium, une petite cité située au sud du golfe de Tarente, entre les fleuves Sybaris et Cratis, fondée près des ruines de l’antique et opulente Sybaris, fut jadis une possession de Tarente. Après avoir soutenu Hannibal dans sa guerre contre Rome, Thurium a été absorbée au siècle précédent par les Romains qui, la « voyant presque déserte, y envoyèrent une colonie, et, à cette occasion, changèrent son nom en celui de Copia 64 ». Ce nom de Copia fait référence à la richesse de son terroir ; c’est donc un lieu idéal pour permettre aux fugitifs de refaire leurs forces. Au temps de Spartacus, la ville est un petit port où vivent les anciennes familles de langue grecque et les nouveaux colons romains. Pour Spartacus, aucune mauvaise surprise ne peut venir de la mer. La Méditerranée, infestée de pirates, est libre de toute présence romaine organisée. Du côté de la terre, la région est protégée par les montagnes du massif de la Sila dans l’actuelle Calabre. L’accès de ces deux cités n’est donc pas aisé. Le seul moyen pour une armée de les atteindre rapidement depuis le nord demeure la via Popillia. Spartacus a donc certainement pris soin de placer des cavaliers sur cet axe pour en contrôler le trafic et le prévenir de l’arrivée d’une éventuelle légion romaine. Loin de Rome, dans une région difficile à contrôler, il peut enfin suspendre quelque temps sa course.
Spartacus l’organisateur
Florus et Appien témoignent tous les deux du soin pris par le chef des esclaves à organiser cette masse humaine qui a lié son sort au sien. Cet épisode, sur lequel planent de nombreuses zones d’ombre, joue un rôle extrêmement important dans la légende de Spartacus. La fabrication d’armes convenables constitue sa première urgence. Les dizaines de milliers d’hommes qui l’ont rejoint au cours des dernières semaines n’ont que des bâtons et des pierres entre les mains. Leur courage ne suffira pas pour affronter les armées que Rome se prépare à lancer contre eux au printemps suivant. Ainsi, Appien précise que Spartacus « se mit à fabriquer des armes, et à faire des dispositions militaires ». Par « dispositions militaires » il faut sans doute comprendre que cette multitude doit non seulement être armée mais qu’il faut surtout l’entraîner pour constituer une force aussi disciplinée que celle des Romains. Spartacus sait l’importance de la discipline dans une armée qu’il
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