Spartacus
utiliser son scutum , le grand bouclier si important au combat. Coordonner ses mouvements, anticiper ceux de l’adversaire, agir par réflexe plus que par réflexion. Frapper, à la fois du glaive et du bouclier. Comme les anciens gladiateurs qui les entraînent pour le combat rapproché, les légionnaires doivent répéter mille fois ces gestes simples contre un poteau de bois, le palus . Les ordres de l’entraîneur, le doctor , sont mille fois répétés. « Frappez du bouclier ! Parez du bouclier ! En bas ! En haut ! Frappez du glaive ! En bas ! En haut ! Recommencez ! » L’ optio , une sorte de sergent, seconde le centurion pour les manœuvres de la centurie et crie lui aussi inlassablement les commandements : « Droite ! Gauche ! Dext . ! Sin . ! , Dext . ! Sin . ! », « Tenez la ligne ! », « En tortue ! ». Encore et encore. Les boucliers d’entraînement, faits de branchages tressés, sont deux fois plus lourds que les boucliers de combat. Même pour ceux, encore nombreux, qui viennent de la campagne, les muscles des bras deviennent douloureux, la tête se vide. Pour les jeunes gens des villes, pourtant habitués depuis l’adolescence aux exercices physiques du gymnase, l’épreuve est encore plus rude. Mais il faut continuer. « En haut ! En bas ! ». « Plus vite, tirones ! Sinon, gare au vitis. » Comme dans toutes les armées d’élite, la sueur économise le sang… et les centurions ne sont pas avares de la sueur de leurs hommes, d’autant que le temps manque – quelques semaines à peine quand il faudrait des mois. Ces vieux briscards, anciens de la guerre sociale contre les Marses et les Samnites, de la guerre civile contre les bandes de Marius et des guerres orientales contre Mithridate, sont inquiets. Ils savent que les soldats qu’on leur a confiés sont des jeunes gens parfois plein de bonne volonté, mais insuffisamment endurcis pour affronter le combat. Même avec le rythme d’enfer qu’ils imposent, leurs hommes ne seront pas prêts au printemps. Les cadres savent qu’ils devront affronter des adversaires qui n’ont rien à perdre et choisiront la mort au combat plutôt que la capture. Les centurions primipiles , ceux qui commandent la première centurie de la première cohorte de chaque légion, le disent. Ces vétérans couverts de cicatrices et souvent issus de ce qui reste de la petite paysannerie romaine ont accès à la tente des consuls. Au sein de l’état-major, les vieux militaires parlent devant de jeunes aristocrates qui ont rang de tribun et de préfet. Malgré leurs manières de plébéiens, les primipiles sont écoutés. Eux ne sont pas des politiciens mais de vrais professionnels de la guerre. Leurs rapports ne sont pas rassurants. Il faudrait plus de temps pour transformer les jeunes gens de la dernière levée en vrais légionnaires. Les consuls en conviennent, mais les espions revenus du camp des esclaves sont formels. L’armée de Spartacus commence à faire mouvement. Il faut intervenir. Maintenant.
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La discorde chez les esclaves
La marche vers les Alpes
Pendant que Rome prépare sa riposte, les esclaves sont encore partagés sur les décisions à prendre. Comme les Romains, les révoltés semblent être en proie à la discorde alors même qu’ils devraient, plus que jamais, être unis. Deux points de vue et deux caractères opposés s’affrontent. Spartacus, raisonnable et pragmatique, veut quitter l’Italie. Plutarque affirme qu’il « voulut donc conduire son armée vers les Alpes, persuadé qu’ils devraient, après les avoir franchies, retourner chacun dans leurs pays respectifs, les uns en Gaule, les autres en Thrace ». Deux solutions s’offrent à lui. La première a sans doute été explorée lors des contacts avec les pirates. Elle consisterait à rapatrier les esclaves chez eux par voie de mer. Cette solution est beaucoup moins commode qu’il n’y paraît. Certes les pirates peuvent déposer les esclaves sur les côtes de la Gaule et de la Thrace, mais il faudrait alors traverser des régions fermement tenues par Rome avant de trouver des territoires qui échappent à son imperium . De plus, les pirates ne sont pas des philanthropes. Peut-être demandent-ils une somme qui dépasse les possibilités des esclaves. Transporter presque 70 000 personnes mobiliserait toutes les unités de la flotte pirate de Méditerranée. L’autre solution, moins rapide mais plus sûre, consiste à mettre
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