Spartacus
mènent aux montagnes du pays samnite. Pour suivre ces sentiers qui lui permettent d’éviter la via Appia, il est guidé par les bergers et les bouviers d’Apulie qui ont intégré sa troupe depuis six mois. C’est sans doute à ce moment du périple que les deux troupes se séparent définitivement. Pressé d’en découdre avec les Romains, Crixus emprunte probablement la via Appia, alors que Spartacus veut à tout prix éviter d’affronter les légions des consuls : « Crixus et ceux de sa nation, Gaulois et Germains, s’obstinèrent à aller au-devant de l’ennemi, et à lui offrir la bataille. Spartacus, au contraire, continue son chemin pour exécuter son plan. » Alors que les deux armées d’esclaves se sont séparées, les deux consuls parviennent à coordonner leur action. Sans doute informés des dissensions entre les deux chefs esclaves par leurs espions, les Romains savent que l’armée ennemie s’est scindée en deux. Plutarque en attribue la faute aux Gaulois et aux Germains, qui « par présomption et jactance s’étaient séparés des troupes de Spartacus ». Gellius, le plus jeune des deux magistrats, se charge donc de Crixus, tandis que Lentulus veille à ce que Spartacus ne marche pas sur Rome, sans toutefois chercher à l’affronter seul. D’après Appien, « Rome […], fait marcher les consuls avec deux légions ». En réalité, cette armée romaine consulaire est probablement constituée de quatre légions. En effet, en tant que consuls, les deux hommes disposent classiquement de deux légions chacun, soit 10 000 citoyens romains. A ceux-ci, il faut probablement ajouter un contingent équivalent d’alliés destinés à couvrir les ailes des légions, soit près de 20 000 hommes par armée consulaire.
Des Gaulois disciplinés dans la bataille
Le sort de la bataille est loin d’être assuré à l’avance. Si l’estimation de 20 000 soldats romains est juste, on constate que les effectifs donnent encore un avantage à Crixus, qui d’après Appien « commandait trente mille hommes ». On comprend dans ces circonstances que Crixus engage le combat avec l’impétuosité coutumière des Gaulois. Cependant, il faut se méfier de l’image d’Epinal souvent rabâchée et largement diffusée par les Romains. Pour cette bataille comme pour d’autres, il ne faut pas imaginer des hordes de Gaulois à moitié nus, couverts de peintures de guerre et chargeant sans unité ni organisation. Encore une fois, la réalité historique est moins exotique. Certes, les Gaulois sont réputés pour leur courage et leur ardeur au combat, mais d’autres peuples antiques peuvent prétendre à ces qualités. Les Gaulois ont également tendance à vouloir accomplir des exploits individuels en prenant de grands risques dans la bataille. Néanmoins, les annales de l’histoire romaine rapportent également de tels faits d’arme réalisés par un légionnaire ou un centurion qui pour une raison ou une autre ont pu engager un combat singulier. Pour imaginer l’armée de Crixus, il faut d’abord rappeler que les Gaulois ne sont pas des peuples étrangers aux civilisations méditerranéennes, bien au contraire. Les hommes de Crixus sont certainement des Gaulois du Sud pour la majorité d’entre eux, peuples de la Celtique méditerranéenne profondément influencés par les Grecs de Marseille depuis plus de cinq cents ans.
Pour ce qui est du combat, les Gaulois ont certes leurs spécificités, mais celles-ci reposent essentiellement sur leur armement. Leurs fantassins sont ainsi les seuls à utiliser une épée longue qu’ils utilisent presque exclusivement de taille. Un peu à la manière du samouraï avec son katana, le Gaulois frappe son adversaire de haut en bas par un moulinet du bras. Ce type d’escrime est à l’origine d’une célèbre invention gauloise, la cotte de mailles. Contrairement à l’idée reçue, ces protections n’ont pas été inventées pour les chevaliers du Moyen Age mais constituent bien une innovation des Celtes, dès le III e siècle avant J.-C. Cette cuirasse souple constituée d’au moins 20 000 anneaux métalliques n’est pas conçue pour arrêter un coup d’estoc mais pour amortir les coups de taille. Grâce aux mailles de fer, une profonde blessure est généralement réduite à un simple hématome. Souple et efficace mais coûteuse à réaliser, la cotte de mailles offre une protection aux guerriers d’élite du premier rang et aux chefs.
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