Spartacus
le pays des Sabins. Son passage dans ces collines qui dominent le Latium doit susciter une immense inquiétude à Rome, mais l’armée de Lentulus veille et le chef rebelle se tient suffisamment à l’écart pour éviter le contact. Au soulagement des Romains, son armée poursuit donc sa route vers le nord et pénètre en Ombrie. C’est là, dans cette région proche de l’actuelle Toscane, qu’il sera contraint d’affronter l’armée romaine. Salluste nous dit qu’à ce moment il « dirigeait sa marche par la branche des Apennins qui longe l’Etrurie ». Il continue ainsi à éviter les voies du littoral pour leur préférer les chemins difficiles du centre de l’Italie ; la localisation de cette branche de l’Apennin qui longe l’Etrurie peut correspondre à la région de Spolète. Il est difficile de dire de combien d’hommes Spartacus dispose à ce moment. Appien estime ses effectifs à 70 000 au moment où il prend ses quartiers à Thurium. Il faut retrancher de ce chiffre les 30 000 hommes partis avec Crixus. Orose, auteur plus tardif, attribue seulement 10 000 hommes au chef gaulois et 30 000 au Thrace. Malheureusement, nous ignorons si ces chiffres valent pour la fin de l’année 73 ou s’ils tiennent compte des ralliements de l’hiver 72. La seule certitude semble résider dans le fait que Spartacus commande une armée plus importante que celle de Crixus. Pour la campagne du printemps 72, il est raisonnable de s’appuyer sur les chiffres d’Appien corroborés par ceux de Tite-Live. Ainsi, en tenant compte de la récupération des survivants de l’armée gauloise, Spartacus peut disposer d’environ 50 000 hommes. En face de lui, les deux consuls ne commandent pas une armée plus importante. En tenant compte des pertes éprouvées par Gellius contre Crixus, il est même probable que les Romains soient encore en infériorité numérique. Spartacus a donc encore toutes ses chances, à condition de ne pas être pris entre les deux mâchoires de l’étau qui est en train de se resserrer.
Un consul prudent
Le consul Lentulus a bien compris la situation. Il est parvenu à suivre le Thrace sans intervenir mais sans jamais le perdre de vue. Et le Romain est rassuré, car Spartacus n’a pas obliqué vers Rome lorsqu’il a traversé le pays sabin. Le Thrace a négligé la capitale pour continuer sa marche rapide vers le nord. Arrivé aux portes de l’Etrurie, Lentulus est informé de la victoire de Gellius. Il sait que l’armée de son collègue remonte vers lui à marche forcée pour écraser ce qui reste de la horde des esclaves. Encouragé par ces bonnes nouvelles, Lentullus peut commencer à manœuvrer pour barrer la route à Spartacus. Ce dernier trouve alors « le consul Lentulus disposé à lui disputer le passage ». Pris entre deux feux, Spartacus est contraint de vaincre l’une des deux armées avant qu’elles aient pu faire leur jonction. Dans un premier temps, il tente de forcer le barrage en bousculant les Romains qui veulent lui interdire le passage vers le nord. Cependant, disposé à ne rien faire tant que son collègue n’est pas arrivé, Lentulus a pris soin d’occuper une position avantageuse pour mieux résister aux tentatives des esclaves. D’après Salluste, Spartacus « fit harceler les légions qui depuis la veille étaient postées sur la montagne ». Sans perdre son calme, le consul Lentulus ne modifie pas ses plans et ne répond pas aux provocations de Spartacus. Il attend « son collègue, moins âgé que lui et qui lui témoignait beaucoup d’égards ». Cet exemple de fair-play, dont témoignent les fragments de Salluste, est assez rare. Les consuls sont rarement des partenaires, mais plutôt des concurrents politiques jaloux de leur propre gloire. Dans le cas présent, en refusant de sortir de son camp Lentulus donne le temps à Gellius de le rejoindre tout en préservant son propre potentiel militaire et sa position stratégique. De son côté, Spartacus a peu de chance de l’emporter en attaquant de front une armée romaine solidement retranchée sur une position en hauteur. Comme Gellius est à présent très près, Spartacus tente de freiner sa progression pour gagner du temps. Profitant de sa supériorité numérique, Spartacus attaque Lentulus sur deux fronts pour l’obliger à diviser ses forces. Cette nouvelle attaque est certainement coûteuse pour les deux armées car Salluste souligne que Lentulus perd beaucoup d’hommes en
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