Spartacus

tués pour aller plus vite et ceux crucifiés devant leurs camarades, voici cette fois des prisonniers exécutés pour combler un fossé. Décidément, le Thrace n’est pas tendre avec ses ennemis. Il n’est pas très surprenant que ce « stratagème » n’ait pas inspiré les nombreux laudateurs de Spartacus, qui n’évoquent jamais cet épisode. Ce nouveau carnage cadre effectivement très mal avec l’image idéalisée de notre héros.
    Si l’on en croit les chiffres de Plutarque, environ 30 000 hommes réussissent à franchir la « ligne Crassus ». Masqués par les arbres, ces hommes se sont approchés au plus près du fossé. Etouffée par la neige et par le vent, leur présence n’a pas été repérée par les sentinelles. On peut supposer que cette attaque a lieu dans un endroit escarpé où la densité des gardes est faible. Les hommes de Spartacus, pourvus de branchages épais, profitent de l’obscurité pour s’avancer au plus près du mur. En faisant le moins de bruit possible, ils utilisent ces branches pour museler les pièges et les chausse-trappes et combler le fossé avant que les gardes ne puissent donner l’alerte. Une fois cette mission accomplie, le gros de la troupe s’élance contre la muraille qui est rapidement escaladée. Après avoir liquidé les sentinelles, les hommes de Spartacus franchissent en masse la ligne de défense. Pendant ce temps, les légionnaires sont appelés aux armes sur toute la ligne de défense au son des cornus. Le retentissement lugubre de ces sonneries dans la nuit provoque l’affolement dans les tentes glacées où dorment les légionnaires. En toute hâte, les Romains s’efforcent de coordonner leurs mouvements de part et d’autre de la percée, au milieu des ordres et des contrordres. L’agitation qui court d’un bout à l’autre de la « ligne Crassus » offre un temps précieux à Spartacus. Crassus connaît son adversaire : il peut à bon droit se demander s’il ne s’agit pas d’une ruse. Cette attaque est-elle une diversion ou une véritable tentative d’échapper au piège ? Si Spartacus a pu coordonner son action avec le peu de cavalerie resté de l’autre côté des lignes, le trouble doit être à son comble chez les Romains. La nuit, la neige et le froid retardent les courriers qui se perdent dans cette région de montagnes et de forêts. Les ordres et les appels à l’aide qui se croisent ne doivent pas arranger la situation. Au matin, Crassus comprend qu’il est trop tard pour rassembler assez de légionnaires et que le flot des esclaves s’est déjà écoulé dans les montagnes de la Sila, bousculant tout ce qui tente de s’opposer à sa progression. Ainsi, par cette froide nuit de janvier ou de février 71, les esclaves reprennent leur marche derrière un chef qui, une fois de plus, a démontré son audace. Aucun auteur ne précise le rôle de Spartacus lors de ce coup de maître, mais il ne fait aucun doute qu’il se trouve à la tête de ses meilleurs soldats. La nouvelle de cette évasion provoque un choc. Malgré ses manœuvres et tous ses efforts, Crassus a été berné par ce diable de Thrace. Tout est à recommencer et il faut de nouveau reprendre la poursuite de cette insaisissable armée d’esclaves.

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    La dernière campagne de Spartacus
    Quand ? Combien ?
    La dernière phase de l’histoire de Spartacus est sans doute le moment le plus complexe à reconstituer. Tous nos auteurs antiques font des récits assez brefs de cette dernière campagne de 71, où certains lieux sont indiqués sans que leur localisation géographique soit aisée. Florus résume en une seule phrase : « Ils firent une sortie et trouvèrent une mort digne d’hommes de cœur en combattant sans merci. » Il faut donc faire quelques efforts pour démêler les fils embrouillés des événements. Pour corser l’affaire, les auteurs sont toujours aussi évasifs quant à la chronologie. Cependant, malgré le récit d’Appien qui a parfois tendance à rendre les choses confuses, il est possible de dire que la dernière campagne se déroule probablement entre la fin de l’hiver et le début du printemps 71. Le passage de la « ligne Crassus » sous la neige indique que cette action d’éclat a eu lieu pendant les mois les plus froids de l’hiver, c’est-à-dire en janvier ou février. Appien souligne également que Crassus a terminé la guerre « en six mois ». Il est probable que le début de son action corresponde à la