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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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n’a réussi à rassembler personne [179]  ».
    De retour à Cracovie en février, Staline, bardé de
citations, achève, sous le contrôle étroit de Lénine, le seul texte théorique
consistant qu’il ait jamais signé : « Le marxisme et la question
nationale », publié en mars et mai 1913 dans la revue Prosviechtchenie. Son apport personnel est patent : les références au Caucase et les deux
derniers chapitres polémiques contre le Bund et les mencheviks caucasiens
portent sa marque. Mais, s’agissant du style et de la construction, la
comparaison de cet opuscule avec ses autres écrits intrigue : la
répétition litanique d’affirmations tranchantes non démontrées, le lyrisme
oratoire, les apostrophes vengeresses, le ressac mécanique des questions et des
réponses, les images bibliques, les péremptoires « il est clair que »,
« il est évident que », le défilé des clichés, le piétinement sourd
des truismes en marche, rien de tout cela ici. L’analyse est minutieuse, la
discussion cohérente. Comment expliquer cette différence ? Lénine a
certainement contrôlé et révisé le texte. Satisfait de son élève, il vante
néanmoins dans une lettre à Gorki « notre merveilleux Géorgien [180]  » qui a
bien travaillé et n’a pas manifesté de désaccord avec lui.
    À la mi-février, il revient à Saint-Pétersbourg où Lénine l’a
chargé de veiller à l’application de ses directives par les députés bolcheviks
de la Douma. Il s’installe chez Serge Alliluiev, dont la fille, la petite
Nadejda, alors âgée de 11 ans, regarde ce conspirateur furtif avec des
yeux admiratifs. Le 23 février, le comité bolchevik de Saint-Pétersbourg
organise un concert que dans sa biographie il transformera en « soirée ».
Malinovsky l’y invite. Il refuse. Malinovsky insiste. Staline se dit trop mal
habillé. Malinovsky sort une cravate de sa poche, la lui noue autour de cou, l’emmène
et s’installe avec lui à une petite table où deux policiers en civil viennent
poliment l’embarquer. Le méfiant Staline, qui, plus tard, verra partout des
agents provocateurs imaginaires, s’est fait berner par un mouchard authentique.
    Cette fois, l’Okhrana ne badine pas. Staline est condamné à
quatre ans d’exil dans la région de Touroukhansk en Sibérie centrale, près du
cercle polaire, sur le cours inférieur de l’Ienissei, gelé six mois sur douze.
Tout autour s’étend la taïga bourdonnant l’été de moustiques et de moucherons
qui dévorent les visages et les mains, noyée sous la neige et balayée par les
tempêtes l’hiver. La région ne possède pas de route praticable et la première
voie de chemin de fer est à près de 1 000 kilomètres de là. S’évader
de ce désert de glace confine à l’exploit : les rares téméraires qui le
tentent périssent de froid et de faim ou sont livrés par les paysans à qui les
autorités paient le fuyard trois roubles. Staline reprendra cette tradition
pour les évadés du Goulag. On exile là-bas des gens jugés dangereux qui,
souvent, coupés de tout dans ce désert hors du temps, meurent de tuberculose,
sombrent dans le désespoir ou se suicident. Doubrovinski, membre du Comité
central bolchevik, s’y donne ainsi la mort à l’âge de 36 ans.
    Staline part le 2 juillet pour son lieu d’exil, et
arrive à Krasnoïarsk le 11. Il en repart quatre jours après pour Touroukhansk,
où il arrive le 10 août. Il s’installe dans le petit village de Kostino,
où il vit un moment dans l’isba au toit de chaume, humide et froide, où Jacob
Sverdlov, exilé peu avant lui, a loué une chambre contiguë à celle des
propriétaires et de leurs nombreux enfants, sans pétrole pour s’éclairer. En
1912, Lénine avait chargé Sverdlov de remettre dans la ligne la rédaction de la Pravda dirigée alors par Molotov et Staline, qui ne pouvait guère
oublier et pardonner cette humiliation. Au début, la coexistence entre les deux
hommes est à peu près pacifique, mais cela ne dure guère. En mars 1914,
Sverdlov écrit à sa femme : « C’est un brave garçon, mais beaucoup
trop individualiste dans la vie quotidienne, alors que je crois au moins à un
semblant d’ordre [181] . »
Les deux hommes allant souvent à la chasse, Staline, que les paysans appellent
eux aussi « le Grêlé », se procure un chien qu’il nomme Iachka,
diminutif de Jacob. Sverdlov n’apprécie pas la plaisanterie. Staline confie la
vaisselle sale au

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