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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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biographies, d’articles et de conférences qui portent tous un message de liberté et de fraternité ? Comme Feuchtwanger, il repart de zéro. Son œuvre passée n’est rien au regard de l’administration. L’allemand, cette langue qui fut celle des plus grands humanistes et des poètes, le met au ban de l’humanité. « A quoi bon vivre, condamné à écrire en allemand et donc anéanti dans un monde qui appartient à cette autre Allemagne ? », écrit Zweig à Ferenc Körmendi.
     
    « Je pense toute la journée, quoi faire ? écrit-il à Rolland, dans la même lettre de septembre 1939. Comment se rendre utile ? Je ne vois pas d’issue dans cet affreux gâchis. » Par fidélité à ses principes érasmiens, il n’appelle pas ses contemporains aux armes, fût-ce pour lutter contre Hitler. Il rejoint pourtant – ce sera sa seule participation à une communauté d’idées – la Free German League of Culture, fondée par Fred Uhlman. La mort de Freud, à quatre-vingt-trois ans, le 23 septembre, est pour lui l’occasion de rappeler, une dernière fois, devant les cendres du maître, au cimetière de Goder’s Green, à Londres, que l’unique dispute qui vaille est « celle que l’humanité mène au nom de la connaissance ». Il remercie Freud chaleureusement pour « l’exemple qu’il nous a donné », courage, tolérance et lucidité. « Grâce à lui, dit-il, notre époque a appris qu’il n’y a sur cette terre de plus formidable courage que celui de l’homme libre, indépendant, voué à l’esprit. » Maître, mais aussi ami cher et vénéré, Freud laisse un vide immense. A Londres où il avait émigré après l’Anschluss, en juin 1938, Zweig lui avait souvent rendu visite, 39 Elsworthy Road, un jour même en compagnie de Salvador Dali ! Malgré le cancer qui le rongeait, Freud demeurait accueillant et généreux. Mais il n’aimait pas plus que Zweig l’émigration et se défendait mal de sa peine d’exilé, en proie au déracinement et à la nostalgie. Comme Zweig, il souffrait de cette déchirure avec sa patrie d’origine, il souffrait d’être un Autrichien sans l’être, de parler allemand, de rêver en allemand, même exclu de cette nouvelle Allemagne haineuse et barbare. Zweig aurait pu écrire ces mots que Freud a adressés, depuis Londres, juste avant de mourir, au psychanalyste suisse Raymond de Saussure qui le félicitait d’avoir quitté l’Autriche : « Peut-être avez-vous omis ce point si douloureux pour l’émigrant. C’est – comment dire ? – la perte de la langue en laquelle on a vécu et pensé, et qu’on ne pourra jamais remplacer par une autre, quelques efforts affectifs que l’on fasse 5 . »
     
    « On écrit en allemand, mande Zweig à Romain Rolland, dans une langue qui nous refuse. »
     
    5 Cité par Peter Gay dans Freud, une vie , Hachette, 1991.
     

    « Il faut s’avouer vaincu »
     
    L’Histoire ne va plus lui laisser aucun répit. De l’automne 1939 au printemps 1940, Zweig est pris dans un maelström, ballotté comme un fétu de paille dans le souffle de la sinistre épopée. « Je suis las de penser à l’avenir », confie-t-il à son journal, le 13 septembre 1939, cet avenir qui, il en est sûr, ne lui réserve rien de bon. Quelques mois auparavant, il a exprimé sa détresse à Romain Rolland. « Comme nous sommes devenus impuissants dans ce monde de violence ! On dirait que tout est superflu aujourd’hui, sauf les avions et les canons. » Sa vie d’intellectuel et d’humaniste, cette vie qu’il a consacrée à la paix et à la conciliation, par ses œuvres et ses discours, par son temps quotidien et ses rêves mêmes, aboutit à l’échec. Il s’est battu pour rien et tout ce qu’il écrit désormais lui semble résonner dans le vide. Même s’il tente encore de loin en loin de faire entendre sa voix, il est persuadé du désastre. Le bel idéal en lequel il a cru, qui était sa raison de vivre, sombre comme une Atlantide et il le regarde s’engloutir, impuissant.
     
    Le 12 mars 1940, il obtient enfin son certificat de naturalisation. Malgré l’appui prestigieux de H.G. Wells auprès des autorités britanniques, il a pu craindre ces derniers mois que la Grande-Bretagne n’abroge d’un seul coup sa demande parmi toutes celles qui viennent de ressortissants de langue allemande, coupables de parler le même langage que l’ennemi et sur lesquels pèse – non sans raison parfois – le soupçon

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