Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
Vom Netzwerk:
avec une France détruite, dans une Angleterre hostile à l’Allemand et au Juif que je suis, n’a plus de sens. » Sa décision est prise, il change de continent. Mais ébranlé par les événements dont il est le jouet, fatigué, empli de peur, l’avenir ne lui inspire aucun espoir. En vérité, il ne croit déjà plus en l’avenir. « Où est l’endroit, s’interroge-t-il, qui vous garantira un espace vital tranquille et une réelle sécurité pour une décennie ? » Il n’attend pas de réponse. Sa conviction est faite : demain ne l’intéresse plus. Seul hier, le bel hier, l’attache encore un peu à l’existence. Donald Prater, son biographe, a raison de noter qu’« il est extraordinaire qu’il ait réussi à survivre si longtemps 6  ». Au fond de son cœur, les jeux sont faits. Zweig quitte Southampton avec Lotte, à quelques jours des premiers feux qui amorcent la bataille d’Angleterre, le Blitz et les bombardements de Londres qui feront plus de quinze mille victimes civiles. A bord du paquebot Scythia de la Cunard, qui appareille pour New York, cet émigrant parmi d’autres auquel le capitaine, lecteur admiratif, a cédé sa propre cabine, est un homme qui se survit à lui-même.
     
    Ce qu’il a noté dans son journal, aux mois de mai et juin 1940, ne laisse aucun doute : « A quoi bon vivre ? Où vivre ? écrit-il. La vie n’est plus digne d’être vécue… Il faut s’avouer vaincu dans toutes les acceptions du terme. »
     
    6 Dans Stefan Zweig , La Table Ronde, 1988, p. 273.
     

    La pitié dangereuse
     
    En quittant l’Europe, Zweig laisse un testament : le roman qu’il vient d’écrire, le seul livre qui, dans son œuvre de fiction, ne soit pas une nouvelle mais possède assez d’ampleur pour mériter ce nom. Ce roman qui s’intitule en français La Pitié dangereuse , mais dont le titre original est L’Impatience du cœur (Die Ungeduld des Herzens) , paraît en 1939, en allemand – aux éditions Bermann-Fischer qui remplacent dans l’exil, à Stockholm, les éditions Fischer, qui ont dû fermer en Allemagne –, et en français – chez Grasset, dans une traduction d’Alzir Hella, qui a préféré éclairer l’ouvrage avec la pitié plutôt qu’avec l’impatience, les deux sentiments se disputant la vedette, à tour de rôle au cours des pages.
     
    L’histoire se déroule en novembre 1913 et au printemps 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale. Le héros est un jeune officier autrichien, le capitaine Anton Hofmiller, d’un régiment de uhlans. Son escadron a été muté dans une petite ville de garnison située sur la frontière hongroise, quelque part dans la morne campagne entre Vienne et Budapest. Des exercices militaires qui occupent ses jours aux parties de cartes ou d’échecs qui meublent les soirs, il s’ennuie à périr dans la routine sans âme du service. Une invitation à dîner, survenue par hasard, chez le richissime propriétaire des environs, le baron de Kekesfalva, amorce l’aventure.
     
    Jamais encore le capitaine Hofmiller, à la belle prestance et à la moustache blonde, issu d’une bonne famille autrichienne mais sans le sou, n’a vu autant de faste, jamais il n’a goûté à des vins et à des mets aussi succulents, à des cigares authentiques de La Havane. Après le dîner, il danse la valse – l’Autriche, l’Autriche ! – avec les belles invitées du château. Puis s’avisant, dans sa demi-ivresse, qu’il n’a pas encore valsé avec la fille du maître de maison, il bondit vers elle, s’incline et commet ce qu’il appelle lui-même, en français dans le texte, « une gaffe » irréparable. Le mot n’a pas d’équivalent en allemand. La jeune fille, frêle et ravissante, est paralysée. Elle vit dans un fauteuil roulant et ne s’en extirpe que pour esquisser quelques pas péniblement, avec de lourdes béquilles.
     
    Pour réparer sa gaffe, le bel Anton revient chez Kekesfalva avec des fleurs pour Edith. Elle lui pardonne, tandis qu’il prend goût à ce milieu raffiné qui s’ouvre à lui, confit jusqu’alors dans la vulgarité et la virilité militaires. Il revient chaque jour après son service, abandonnant ses amis, ses compères. Tandis qu’Edith s’éprend pour lui d’un véritable amour, il ne ressent pour elle que de la pitié. Une pitié qui illumine sa vie, lui donne l’impression d’être un dieu pour cette jeune fille, flatte sa vanité et ses bons sentiments, mais est en

Weitere Kostenlose Bücher