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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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Autour de lui, les poètes s’appellent les Kommenden , les Hommes de demain. Ils forment un groupe disparate, associé à des architectes, des étudiants, des journalistes, à de belles filles blondes et à toutes sortes d’âmes perdues à la recherche d’une âme sœur. La poésie leur sert d’abri et d’alibi. Il y a là des homosexuels des deux bords, de vrais et de faux poètes, des naïfs et des snobs. Beaucoup de Russes, filles et garçons, des Scandinaves, des Bavarois, des Juifs, des Westphaliens et, toutes nationalités et tendances confondues, nombre d’alcooliques et de morphinomanes irrécupérables. Pour Zweig, c’est le zoo ! Des photos rescapées de la tourmente et de l’exil témoigneront un jour du mystère de ces vacances berlinoises : notre héros qui demeure très élégant, très viennois dans l’allure – il le restera toute sa vie – pose avec de jeunes amis. S’est-il vraiment encanaillé ? C’est peu probable. Le regard qu’il porte sur cette société exotique, à deux pas de Vienne, est celui d’un témoin, voyeur plus qu’acteur, qui rédige sa chronique. Mais Berlin lui ouvre les yeux. Lève le voile sur une part d’aventures. Et déclenche en lui un processus qui ne s’arrêtera qu’à sa mort : toute sa vie, qui sera bourgeoise et surprotégée, il ne s’intéressera qu’à ce qu’il n’apparaît pas être lui-même, les hommes en danger.
     
    Un pressentiment, nourri aux zones les plus obscures de sa conscience, l’obsède ; il sent peser sur lui il ne sait quelle menace. Il souffre et se tourmente. Quelque chose de vague, d’indéfini, obscurcit les moments heureux. Il parlera souvent du « poids qui l’oppresse ». Cette indéfinissable inquiétude le rend sensible aux êtres qui vivent sur le fil de la vie, sous une épée de Damoclès plus ou moins visible ou imminente.
     
    A Berlin, grâce à des étudiants russes et scandinaves, il découvre deux artistes qui lui sont inconnus : Dostoïevski d’abord, dont un ami lui traduit à haute voix Les Frères Karamazov , roman que l’Allemagne ignore encore et qui lui ouvre une porte sur l’abîme, et Munch, le peintre norvégien, dont une amie suédoise lui fait connaître les admirables et inquiétantes toiles, Le Cri (1895), L’Angoisse ou, en cette année 1901, Nuits blanches . Très loin des fadeurs sucrées, fleuries, de ses premiers poèmes, que la critique bourgeoise encensait, Zweig plonge dans un univers de violence et de peur, de débauche, de danger, de misère. Il se sait trop enraciné dans son monde viennois de la sécurité pour éprouver les cauchemars et les rêves de ces artistes maudits, mais il les admire et les aime, attiré irrésistiblement par leur message. Ce qui l’intéresse, ce qui le fait vibrer instinctivement, en dehors de toute conscience de classe ou d’éducation, c’est cette humanité profonde et terrifiante, qui le torture lui aussi, dans le cocon de sa vie d’étudiant prolongé.
     
    Conséquence de son séjour berlinois, il renonce à son œuvre personnelle et, conscient des progrès à accomplir, convaincu de son infériorité artistique, il décide de se vouer à la traduction des grands poètes inconnus en Allemagne qui portent ce message qu’il a tant de peine à clarifier en lui. Il se met à traduire Verlaine, Baudelaire, et Yeats. Modeste intermédiaire, il s’inflige ce devoir de discrétion et d’effacement, pour échapper au succès facile et mieux saisir l’essentiel. Il se répétera souvent cette devise, qui date de son apprentissage berlinois : « Voir beaucoup, beaucoup apprendre, et seulement ensuite débuter vraiment. »
     
    A Berlin, un jeune peintre juif, Ephraïm Moshe Lilien, avec lequel il s’est lié d’amitié au Nollendorf-Casino, dessine à son intention un ex-libris qu’il emportera en souvenir. C’est un éphèbe au corps nu et blanc, silhouette élancée et souple, vue de profil, cheveux longs, qui ouvre les bras à un champ de blé où des épis, d’une forme étonnamment phallique, jaillissent au pied d’un château d’ombre. On peut trouver à ce dessin d’une plume légère, presque musicale, que Zweig gardera pour sceau de sa bibliothèque sa vie durant, un sens évidemment érotique. On peut lui donner aussi une interprétation symbolique, Ephraïm Moshe Lilien ayant étrangement, par la force de l’amitié, saisi son sujet : Zweig en jeune éphèbe, amoureux de la vie, et curieux du monde, s’avance

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