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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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combat perdu d’avance contre ce qui est profondément inscrit en lui. Sa volonté lui ordonne de se débarrasser de ses chaînes et de laisser libre cours à ses rêves, à ses désirs. Si lucide soit-il, il n’y parvient pas, dans le domaine de l’amour. Il souffre de tant d’inhibitions qu’il ne s’exprime que dans le secret. Il y a en lui une vraie dualité, dont il a conscience mais qu’il ne peut résoudre. Passionné, enthousiaste, et d’une sensibilité exacerbée, il jugule ses élans, passe ses désirs à l’eau froide et offre aux gens qui le croi sent la vision impeccable, tirée à quatre épingles, d’un gentleman un peu pincé, très comme il faut, dont la vie et les mœurs, la pensée, les actes et la morale sont forcément irréprochables.
     
    Sans même la soumettre à une psychanalyse littéraire en règle, sans chercher l’origine d’un complexe d’Œdipe et la part névrotique du narcissisme, mais puisque lui-même nous a indiqué cette force d’inquiétude qui lui pèse et ces traces flagrantes de refoulement, son œuvre suffirait à illustrer son drame. Quel dommage que le docteur Freud n’ait pas étudié le cas Zweig ! Car le thème principal des nouvelles qu’il ne cesse d’écrire et qui rythment sa vie depuis qu’il a vingt ans, ce qu’un musicien appellerait le motif, c’est-à-dire la note obsessionnelle, n’est autre que le secret. En allemand, Geheimnis . Le mot mériterait d’être répertorié dans l’œuvre. Sauf erreur de notre part qui ne nous prétendons pas exégète, il n’apparaît qu’une fois dans un titre, accompagné d’un adjectif révélateur – Brûlant secret (Brennendes Geheimnis) . Mais il est présent un nombre inouï de fois, inlassablement répété au cœur de ses histoires qui reposent toutes, en effet, sur un brûlant secret. Il torture sans exception ses personnages de fiction. Quel homme et quelle femme, dira-t-on, n’est pas selon la formule célèbre de Malraux, un misérable petit tas de secrets ? Personne n’est tout à fait lisse, tout à fait franc. Mais chez Zweig, dans le monde opaque et moite de ses nouvelles, chaque individu est un martyr qui porte en son sein son propre bourreau. Le secret n’est pas accessoire, il est la clé. Chacun de ses personnages se débat avec ce quelque chose, inavoué, informulé, enfoui au plus profond de lui où il croit l’avoir oublié, mais qui un jour remonte à la surface, menaçant un équilibre précaire, ou miraculeux.
     
    Dans les nouvelles que Zweig écrit dans les années vingt, le secret est donc un leitmotiv. Dans La Peur (1920), une jeune femme croit que son mari a découvert le secret de sa double vie amoureuse. Saisie de panique jusqu’à perdre le sentiment de son identité, dépossédée de son secret mis au jour cruellement, elle est menacée de folie, et bien que tout finisse heureusement, l’ombre de la violence mentale est passée sur le livre. La peur tient à ce que le voile se lève brutalement sur le mystère. Dans Amok (1922), un médecin de retour de Malaisie, confie son secret à un passager anonyme, qui racontera son histoire : il a provoqué la mort d’une jeune femme, dont il était fou d’amour, en refusant de l’avorter de l’enfant d’un autre. Elle s’est livrée aux mains d’une sorcière chinoise et après lui avoir fait jurer de ne pas la trahir, elle est morte dans ses bras, emportant son brûlant trésor. Dans Lettre d’une inconnue (1922), une autre jeune femme sur le point de se suicider avoue à un écrivain à succès tant féminins que littéraires, séducteur et mondain, qu’elle l’aime depuis près de vingt ans, qu’elle a eu un enfant de lui sans qu’il le sache, et qu’il ne la reconnaîtrait pas dans la rue s’il la croisait. Elle est passée à côté de sa vie sans qu’il la remarque seulement, elle le remercie du bonheur illicite qu’il lui a donné et qu’elle n’a partagé avec personne. Son enfant est mort. Dépossédée de tout (encore un mot important de l’œuvre : dépossession), alors que la destinée lui arrache ce merveilleux morceau de vie dont il lui avait fait cadeau malgré lui, elle décide de quitter le monde, non sans lui écrire ce qu’elle a à lui dire – son beau et mortel secret. Elle ne lui laisse même pas son nom. Dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme (1927), un jeune homme ne peut plus se passer du jeu. Il hante les casinos et, une dernière nuit, à Monte-Carlo, avant

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