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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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plutôt à travers d’autres personnages qui lui renvoient une image fraternelle et fragmentée, comme un morceau de lui-même. Il procède prudemment, par étapes, par fragments précisément. Son étude n’est pas globale. Elle est chaotique, zigzagante. Zweig, en homme qui a peur de soi, ne plonge pas dans ses affres et esquive ses peurs. Il ne peut les définir que par le biais d’autrui, quand celui-ci, par une ressemblance dite, peut venir à son secours. Seul, il panique, il fuit. Il refuse de descendre dans ses propres abîmes. La vision de ses zones d’ombre lui est insupportable, et dans l’autobiographie qu’il écrira avant de mourir, promenade nostalgique et simplifiée dans son passé, il a gommé tous ses dangers, tous ses vertiges, pour ne livrer de lui qu’un seul côté du miroir, la face brillante, sereine et policée. Comme si Zweig, sur le point de disparaître, n’était pas lui-même, mais un autre. De l’autre côté du miroir, son démon, son double.
     
    Il y a chez Zweig une impossibilité à être soi tout à fait, à réconcilier son moi et son surmoi , sa vérité et son mystère. Le docteur Freud, illustre Viennois dont il sera l’ami, l’aurait peut-être aidé à opérer cette précieuse alchimie, s’il avait consenti à s’abandonner à la confession. Mais Zweig, que fascine la psychanalyse, ne se prêtera jamais à l’exercice. « La Vérité ne se montre qu’aux initiés », écrit-il sous forme d’énigme à propos de Stendhal. Ce qui fait le prix de son œuvre, aux yeux du lecteur attentif et fidèle, c’est qu’échappée aux arcanes du freudisme, elle ne l’en instruit que mieux du combat inégal des êtres avec leurs démons secrets.
     

    Zweig et Freud
     
    Dans les années vingt, le docteur Freud jouit d’une notoriété mondiale et l’écrivain Elias Canetti lui rend ce curieux hommage en soulignant qu’il est avec Albert Einstein le Juif le plus fameux de la planète. Né en 1856, il va sur ses soixante-dix ans, de cette allure énergique et sereine de bon père de famille qui étonnait ceux qui le rencontraient la première fois, et à cause de sa réputation sulfureuse, l’imaginaient en Méphistophélès. Le docteur Freud, depuis qu’il exerce la médecine, habite avec son épouse et sa dernière fille (il a eu six enfants), 19 Berggasse, à Vienne, où il mène une vie réglée, tranquille, tout entière consacrée à ses travaux. Il a fondé la Société internationale de psychanalyse en 1910 et publié avant guerre, faisant scandale et s’attirant les foudres de la faculté, ses livres capitaux : de ses premières Etudes sur l’hystérie , qui lui ont valu auprès de ses collègues psychiatres d’être marqué du sceau du ridicule et de l’infamie, à L’Interprétation des rêves (1900), de ses Essais sur la théorie de la sexualité (1905) à Totem et tabou (1913), en passant par les incontournables Leçons sur la psychanalyse , il n’est pas un seul de ses ouvrages, écrits dans une prose si nette et claire qu’elle ressemble à un scalpel, qui n’ait provoqué de tempêtes au milieu desquelles il est passé, comme un cygne sur un lac, imperméable aux menaces et rebelle à toute concession. Il a tenu le cap et, s’il compte encore, à Vienne en particulier, mais aussi en Europe et même en Amérique, nombre d’ennemis et de détracteurs qui le traitent de charlatan, de fou ou d’obsédé sexuel, et s’adonnent à dénigrer sa science, si l’Université le boude et refuse de considérer ses recherches avec sérieux, ses idées, elles, ont fait du chemin et gagnent de jour en jour sur l’obscurantisme et les préjugés. Ce que Zweig admire avant tout dans le personnage, c’est sa force – sûr de son message, Freud avance contre vents et marées, et fait avec lui avancer le monde, apportant dans le domaine de la connaissance un progrès décisif. Freud, aux yeux du romancier qu’est Zweig, vaut aussi par cette manière tranquille de dire les choses sans détours, de les nommer par leur nom, seraient-elles taboues, de toujours les regarder en face. La vérité, devant laquelle la plupart se voilent la face, parce qu’elle les éblouit ou leur fait peur, est l’alliée de ce savant, le plus têtu, le plus courageux des hommes. Freud a obtenu, dit Zweig, la fin du règne de l’hypocrisie. Avec lui, le jour se lève enfin sur les abîmes où se cachent nos blessures, d’où viennent tous nos maux.
     
    « Professeur

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