Sur ordre royal
si elle le souhaitait, elle s’était rendu compte qu’il n’y avait pas de raison d’attendre, en effet. Un délai ne ferait qu’accroître son appréhension. En outre, commeelle l’avait dit, il n’y avait personne qu’elle souhaitait inviter dans les sauvages contrées galloises pour la voir se marier… en supposant que sa famille et ses amis seraient venus, ce qui n’était pas sûr.
Le silence dans lequel s’était enfermé Madoc ne faisait rien pour dissiper son malaise, bien qu’il offre un contraste bienvenu avec l’attitude de son premier époux lors de ses premières noces. Wimarc avait alors passé son temps à se déplacer parmi leurs invités avec un entrain volubile, dispensant salutations et compliments comme s’il était un monarque magnanime.
Leur tenue était tout aussi différente. Wimarc avait été vêtu aussi brillamment qu’un paon dans des habits de soie et de lamé, alors que Madoc portait une simple tunique de drap noir qui paraissait trop juste sur ses larges épaules et son torse puissant, des chausses également sobres et des bottes qui paraissaient déplacées sur un jeune marié, même si elles étaient bien cirées.
Néanmoins, ce n’étaient pas la présence taciturne de son époux ni ses atours dénués d’ornements qui la troublaient à ce point. C’était ce qu’elle pouvait lire dans ses yeux lorsque leurs regards se croisaient. Un besoin brûlant et primitif couvait dans leurs profondeurs sombres, un besoin qui lui donnait envie de s’enivrer afin d’émousser les sensations aiguës qui s’éveillaient en elle.
Mais elle ne devait pas trop boire. Elle voulait avoir tous ses esprits quand son époux et elle… quand ils…
Elle n’osa pas aller au bout de sa pensée. Elle avala le morceau de bœuf rôti qu’elle avait dans la bouche et essaya de garder son attention fixée sur le ménestrelqui jouait un air enjoué. Malheureusement, il chantait en gallois et elle décida donc de se distraire en observant les gens présents dans la grand-salle : les villageois, transportés de se trouver là ; les plus riches, se comportant comme si cette invitation au mariage de leur seigneur leur était due ; les soldats, qui s’enivraient et devenaient de plus en plus tapageurs à mesure que l’heure tournait, comparant leurs prouesses avec les armes, avec les femmes et apparemment avec tout ce que les hommes pouvaient comparer ; les serviteurs, qui se déplaçaient prestement et sûrement parmi eux, échangeant des plaisanteries avec les convives, et quelques-unes des servantes les plus jeunes qui badinaient hardiment avec les soldats.
Pas la timide Bron, cependant. Elle restait réservée et vaquait à ses tâches avec calme et rapidité, même si un sourire cordial éclairait son joli visage tandis qu’elle esquivait adroitement les tentatives des hommes pour la toucher.
Roslynn savait exactement ce que Bron ressentait. Elle avait passé bien des repas à la cour du roi à éviter des attentions indésirables. Néanmoins, Bron ne semblait pas contrariée par les agissements des hommes. C’était simplement comme si elle ne se souciait pas assez d’eux pour répondre, que ce soit avec plaisir ou avec colère.
Le regard de Roslynn se posa alors sur Ivor, l’intendant, aussi attentif qu’un chien sur une piste depuis sa place près de la table haute. Elle avait entrevu son expression maussade à la fin de la cérémonie de mariage et savait qu’il ne l’acceptait toujours pas, ni ne voulait d’elle comme dame de Llanpowell.
Elle n’avait pas à l’apprécier, se dit-elle, et il n’avait pas à la trouver à son goût. Elle était la châtelaine, lui l’intendant ; ils pouvaient se contenter de coopérer.
Mais ce n’était pas le fait qu’elle lui déplaise qui la troublait le plus ; c’était son hypocrisie, qu’elle sentait instinctivement.
Elle avait été à bonne école pour cela : Wimarc avait été un maître dans l’art de feindre. Même à leur mariage, lorsqu’il s’était comporté comme un jeune marié heureux et aimant, il complotait déjà en douce une rébellion avec la plupart des invités.
Madoc fit un geste vers elle et couvrit sa main de la sienne. Surprise, elle recula comme s’il l’avait pincée et il s’empressa de retirer ses doigts.
— Je me demandais ce qui mettait ce froncement de sourcils sur le visage de ma jeune épousée, dit-il, paraissant s’excuser.
Roslynn regretta d’avoir réagi trop
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