Sur ordre royal
vivement ; néanmoins, elle répondit avec honnêteté.
— Je crains que votre intendant n’ait des objections à notre mariage.
— Ivor-qui-tient-les-cordons-de-la-bourse est soupçonneux de nature et ne se fie pas aux étrangers, et il ne fait spécialement pas confiance à John, admit Madoc avec une franchise inattendue. Mais il a une autre raison de ne pas aimer les Normands, une raison personnelle : il les blâme de son infirmité. Alors que sa mère était grosse, elle a été accostée rudement par un groupe de soldats normands et elle est tombée. Cela a provoqué prématurément son travail et Ivor est né avec une jambe déformée. Nul n’a pu dire si c’était à causede la chute ou de la naissance trop avancée, mais de toute façon, Ivor tient les Normands pour responsables. Toutefois, il aimait assez ma mère, même si elle était normande.
Il fronça les sourcils quand il vit la surprise de Roslynn.
— Personne ne vous l’a dit ?
Elle tendit la main vers son gobelet, puis la retira sans le toucher.
— On m’a dit très peu de choses sur vous, sire, et encore moins sur Llanpowell. Mais il est réconfortant de savoir que je ne serai pas la première châtelaine normande ici. J’espère que tous vos gens finiront par m’accepter, aussi.
— Si je ne pensais pas que c’était possible, je ne vous aurais pas épousée, déclara fermement Madoc. Quant à Ivor, c’est moi qui commande ici, pas lui, et il n’a rien à dire sur mes décisions. Il est aussi obstiné que moi, cependant, surtout quand il pense qu’il a raison, alors il se peut que vous ayez à lui laisser du temps pour s’habituer à vous. Mais je ne doute pas qu’il finira par changer d’avis, comme ceux qui s’étaient opposés au début au mariage de mon père.
D’un geste significatif, il inclina la tête vers Lloyd, qui écoutait le ménestrel avec une attention captivée.
— Votre oncle ? murmura-t-elle, incrédule.
— Il était le pire de tous, à ce que l’on dit, répondit Madoc avec un petit sourire qui lui emballa le cœur. Ma mère lui a rapidement prouvé qu’il avait tort, et maintenant il semble penser que les femmes normandes sont quasiment des anges sur Terre.
— Vous parlez de femmes ? demanda Lloyd alors que le ménestrel terminait sa longue ballade.
— Je disais à dame Roslynn que vous aimiez beaucoup ma mère.
— Comme tout le monde. C’était une femme de qualité, mais oh ! quel caractère ! Elle pouvait vous arracher la peau du dos d’un regard.
Il soupira et secoua la tête.
— Comme elle me manque !
Puis il sourit gaiement.
— Mais pas de visages tristes maintenant ! Elle serait contente ce soir, j’en suis sûr. Oui, ceci me rappelle le mariage de vos parents, Madoc. Quelle époque c’était ! J’ai été ivre une semaine durant, quand je ne courais pas après les filles. Et j’en attrapais quelques-unes ! Mais elles avaient beau être de vraies beautés galloises, pas une n’était aussi jolie que vous, ma dame.
Même si ses yeux pétillaient de rire, Lloyd poussa un autre lourd soupir.
— Ah, j’étais plus jeune et plus rapide, alors. Je n’en attraperais pas une seule, maintenant.
— Sauf si elles le voulaient, suggéra Roslynn en s’efforçant de se joindre à l’amusement. Je ne suis sûrement pas la seule femme à vous trouver encore bel homme.
— Allez, allez ! Je sais reconnaître la flatterie quand je l’entends ! s’exclama Lloyd, tout en souriant largement de plaisir et en regardant Madoc d’un air rayonnant. Ah, vous avez épousé une femme au bon cœur, mon neveu. Elle me donne l’impression d’être aussi jeune que vous !
— Je devrais peut-être dire aux servantes de se cacher, déclara Madoc.
— Faites, le défia son oncle. Si votre dame a raison, il y en aura une ou deux qui ne vous écouteront pas.
— Alors, nous pourrions bientôt avoir un autre mariage, je suppose.
— Ne parlez pas de malheur ! se récria Lloyd. Je ne suis pas comme vous. Je ne pourrais jamais rester fidèle à une seule femme, ni à son souvenir. C’est un mauvais tour à jouer à une femme, de lui promettre que l’on sera fidèle quand on sait que c’est impossible.
Roslynn but une gorgée de vin. Elle était soulagée de penser que Madoc n’était pas le genre d’époux à prendre des maîtresses, mais affectée par ce que Lloyd avait dit, aussi. Si Madoc avait aimé sa première épouse au point de refuser de
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