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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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être des informateurs.
    Je tendis l’oreille pour entendre les noms de villes connues, pleinement conscient du privilège que je vivais là. Mais cela ne dura pas longtemps, car je fus rejoint par d’autres « visiteurs des latrines ». Ils me demandèrent de traduire ce que j’entendais et, très excités, commencèrent à commenter tout haut. Mais le chef de bloc eut lui aussi son petit mot à dire : il ouvrit la porte et nous intima l’ordre de retourner nous coucher.
    Depuis, chaque nuit, j’écoutais la radio. Je m’asseyais par terre et m’appuyais contre le mur, derrière lequel parlait la voix des Alliés, et tendais l’oreille pour comprendre – difficilement – les nouvelles, de telle sorte que le lendemain, les « rumeurs » n’étaient plus une surprise pour moi. Lorsque nos camarades de camp traçaient du bout d’un bâton les contours d’une carte géographique sur la poussière du sol pour nous expliquer la situation du front, je savais déjà tout ce qu’ils racontaient. En tout cas, tout cela était la preuve que les nouvelles de bouche-à-oreille circulaient très bien. Ce que l’on m’avait dit, lorsque j’étais arrivé au camp de Buchenwald, semblait se réaliser : « Ne croyez pas qu’on vous oublie, nos camarades veillent, même si vous ne remarquez rien. »
    Notre attente en silence prit bientôt fin. Les haut-parleurs du Grand camp diffusèrent un ordre, répété en boucle : « Tous les Juifs doivent se présenter au portail ! » Il nous fut communiqué par notre chef de bloc. Bouleversés par la perspective si menaçante d’une telle directive, nous étions retombés dans un état de désillusion et de peur. Nous savions très bien ce qui s’était passé dans d’autres camps de l’Est, juste avant leur libération. Nous envoyâmes un éclaireur dans le Grand camp, qui, lorsqu’il arriva au portail du camp sur la place d’appel, ne vit âme qui vive. Personne n’y était allé – l’ordre avait été désobéi.
    Le couvre-feu fut déclaré dans l’après-midi et des rafles commencèrent. Des kommandos SS sillonnaient le Camp central, ainsi que le Petit camp. Ils allèrent jusqu’à l’endroit de nos latrines, mais pas plus loin. Le soir tombait. Pour aujourd’hui, c’était assez. La nouvelle «  Das Hauptlager ist judenrein 9  » retentissait dans les haut-parleurs. Les Juifs du Grand camp avaient tous, avec la plupart de leurs frères du Petit camp, été placés dans un camp de tentes, à l’écart.
    Le lendemain matin, il y eut une autre surprise. Les détenus, dont on nous avait assuré qu’ils veillaient sur nous, avaient œuvré. Leur courage et leur détermination étaient tangibles. Notre chef de bloc tenait dans la main un paquet qu’il avait reçu, contenant des triangles rouges, noirs et verts, et en quelques minutes, les jeunes Juifs arboraient tous de nouveaux signes. Les garçons du ghetto étaient désormais devenus des Polonais ou des Russes « détenus politiques », « asociaux » ou « criminels ». Je devins un « détenu politique allemand ».
    Voilà ! Notre bloc était maintenant «  judenrein 10  ».
    Nous avions abandonné le yiddish. Mes camarades de chambrée ne parlaient plus que polonais et russe. Leur connaissance de cette nouvelle langue maternelle était certes fruste, mais de toute façon, les gardes SS de Buchenwald n’y verraient que du feu. Et la réponse standard à toutes les questions posées resterait le bon vieux «  Nix verstehen Deutsch  »*. Ma situation, par contre, était plus délicate et je ne pouvais pas faire l’ignorant, maintenant que je jouais le rôle d’un « Aryen ». Les détenus allemands étaient d’ordinairement bien habillés, avaient l’air en bonne santé et vivaient dans un bloc à part. Il fallait donc que je m’attende à ce que l’on me demandât pourquoi je me démarquais des autres et que ma réponse soit claire, donnée sur un ton assuré et convaincant.
    Ce soir-là, je fus impitoyablement taquiné. « Allez, viens ici ! me disaient mes camarades, on va voir, si tu joues bien ton rôle. N’oublie pas que tu es allemand maintenant, et si tu ne te comportes pas comme un vrai mufle, nous ne te connaissons plus. » – « Hé ! L’Allemand, tu m’emmèneras, la prochaine fois qu’tu vas au bordel ? J’te paierai, tu sais, un demi-litre de soupe ! » – « Si nous restons encore longtemps ici, tu vas dev’nir chef de bloc, hein,

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