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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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l’Allemand ? » – « Ça ferait mal au Führer de te voir entouré de tous ces étrangers ! » – « Oui, pourquoi est-ce que tu ne lui écrirais pas ? »
    À leurs yeux, Allemand ou crapule signifiait la même chose, et essayer de leur expliquer n’avait pas de sens. Ils voulaient juste rire, et j’étais bien le dernier à vouloir les en empêcher.
    «  Reichsdeutscher* politischer Schutzhäftling Nummer 127 158 11 , gueulai-je, déclare porter plainte contre ces sales Polacks, qui se moquent de notre Patrie. Matricule 127 158 demande en conséquence à être transféré dans un monde plus civilisé, où l’on parle allemand. »
    Lorsque nous nous fûmes suffisamment amusés, j’allai me coucher. Quelqu’un me toucha l’épaule : « Et n’oublie pas de ronfler comme un Allemand ! »
    *
     
    Bien que l’on nous ait juré le contraire, Buchenwald fut évacué. Le tour des premiers fut celui des Juifs, qui sortirent des tentes ; vint ensuite celui des Tchèques, qui quittèrent le Grand camp. Certains convois partirent par ferroviaire, d’autres à pied. Ils devaient aller à Dachau ou Mauthausen, tous deux des camps de concentration dans le Sud, que les Alliés n’avaient pas encore atteints.
    Durant une semaine, nous ne vécûmes que de pain et de miel de synthèse. Nous nous affaiblissions de jour en jour et nous étions de plus en plus affamés. Alors que je m’étais mis désespérément en quête de quelque chose à manger, je parvins à me faufiler dans le Grand camp. De nombreux blocs étaient vides déjà. Les quelques détenus, que l’on voyait marcher et qui semblaient en état de confusion, se cassaient la tête pour trouver un moyen d’échapper à l’évacuation.
    Sur les rues du camp, traînaient quelques affaires personnelles de ceux qui avaient été évacués : des morceaux de carton, du papier kraft, de vieux journaux, des photos, des lettres. Ces précieux objets, si difficilement entrés et gardés dans le camp, et qui avaient donné une impression de richesse à leurs propriétaires, gisaient là, en tas. Je pris un bâton pour trier et piller quelque chose à manger, mais je ne trouvai rien. Il n’y avait que du papier, du papier partout, des feuilles éparses, qui flottaient dans la brise avec un bruit de pages tournées par le vent. Je regardai de plus près : il y avait des tas de bouts de papier empilés, qui avaient servi de monnaie au camp, des bleus, pour une valeur fictive d’un mark, des rouges, de deux marks ; une carte, couverte d’une large écriture, barrée du trait rouge de la censure et oblitérée de je ne sais quel petit village inconnu de Pologne ; des chiffons ; des morceaux de papier sales et tachés, sur lesquels un intellectuel inconnu s’était appliqué à écrire en lettres gothiques. Curieux, je ramassai l’un d’eux et le lus : «  Wer nie sein Brot mit Tränen ass / Wer nie die kummervollen Nächte an seinem Bette weinend sass / Der kennt Euch nicht, Ihr himmlischen Mächte  », puis il y avait un trait tiré, sous lequel figurait : «  Kennt Ihr dans Land wo die Zitronen blühen, wo man statt Frauen Ziegen liebt…  » Était-ce une citation ou des vers personnels ? Je ne le savais pas (N.D.A. : Les premiers sont tirés d’un des trois « Lieder du Joueur de harpe » dans le roman Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister , de Johann Friedrich von Goethe ; les seconds sont une parodie).
    Ma recherche fut vaine et je rentrai au bloc, où l’on était – toutes proportions gardées – plus en sécurité. Le lendemain, je repartis, mais cette fois du côté du potager. Le grand et vaste champ, entouré de fil de fer barbelé, sur lequel poussaient des légumes et des fleurs, avait été pillé et comme moi, une dizaine de pauvres hères affamés avaient écarté le grillage pour y pénétrer. Ils étaient occupés à épiler quelques dernières feuilles, qui restaient sur des branches d’épinards. Baissé, j’arrachai les branches et les mis fiévreusement dans un carton, pour m’en faire une magnifique salade.
    Je levais parfois la tête. Au loin dans les bois, une attaque aérienne de bombardiers américains commença, et je vis de grosses colonnes de fumée noire et dense s’élever du sol. J’étais tellement fasciné, que je ne pouvais penser à rien d’autre que Américains/épinards, épinards/Américains. Perdu dans mes rêves, j’entendis brusquement des coups de feu claquer. Un SS

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