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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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célébrer la grand-messe, il se jeta dans un carrosse.
    — Fouette, cocher ! À Paris !
    Où l’attendaient Adélaïde, Germaine, Charlotte, Louise et les autres.
    Toutes les beautés du Diable boiteux...

Chapitre cinq
    L’embonpoint d’Adélaïde
    Versailles, soir du lundi 4 mai de 1789. La corvée de l’ouverture des États généraux s’achève.
    Après trois jours de processions interminables, de discours qui ne l’étaient pas moins – ah ! la pénible péroraison de Necker ! –, de quelques sourires pincés de la reine Marie-Antoinette et de gros ronflements du roi Louis le seizième.
    Mille deux cent quatorze députés y ont assisté !
    Avec, dans les rangs des élus du clergé, un évêque d’Autun en soutane violette moirée, le cheveu blond poudré, le cierge dans la main gauche, une haute canne dans la droite, le nez retroussé, la lèvre ironique et l’oeil frisant de malice. Il porte évidemment la croix pectorale, cet évêque-là, mais on sent bien qu’elle l’importune. D’ailleurs, dès que l’occasion se présente, il la glisse discrètement sous le rabat.
    Pas de manifestations intempestives, pas la plus petite réflexion, il attend que cela se passe. Il a toute la vie devant lui.
    Même s’il compte déjà trente-cinq ans.
    Mille deux cent quatorze députés appelés à Versailles pour tenter de résoudre la crise financière du royaume !
    — Non, plutôt pour sauver ce qui peut encore être sauvé, observe alors silencieusement Talleyrand qui lui, de son côté, ne connaît pas la crise économique.
    Parce que, lorsqu’il n’empoche pas de lourdes poignées de louis autour des tables de ses tripots favoris, il joue en Bourse, agiote, spécule et réalise de considérables bénéfices.
    Dans ces conditions, il déménage. Adieu le trop petit logis de la rue de Belle-Chasse chez les augustines du Saint-Sépulcre-de-Jérusalem, il décide d’émigrer vers la rue de l’Université, il s’installe dans un logement beaucoup plus vaste situé à l’angle de la rue de Beaune.
    Et ce nouvel appartement deviendra très vite le quartier général de la faction du duc d’Orléans, le cousin de Louis XVI, qui envisage déjà de se faire proclamer lieutenant général du royaume.
    — Comme il est incapable d’avoir trois idées qui se suivent, ce ne sera qu’un paravent et c’est moi qui gouvernerai, songe alors Charles Maurice.
    Mais dans le même temps il tente de négocier avec le comte d’Artois – le plus jeune frère de Louis XVI, le futur Charles X de la Restauration.
    — Je connais les voies qui nous permettraient d’assécher le torrent qui menace de tout entraîner et les moyens de restaurer sagement et habilement l’autorité royale...
    Les portraits que l’on a de Talleyrand nous le présentent toujours avec un nez en trompette. Un physionomiste nous dirait sans doute qu’avec un tel appendice nasal il était apte à tromper doublement, c’est-à-dire à sentir le vent autant qu’à duper son entourage.
    À respirer le parfum de madame de Laval en même temps qu’il trompe Adélaïde de Flahaut, par exemple.
    Car quand il s’éloigne de Versailles où les députés se sont enhardis, ayant juré de ne se séparer que lorsqu’une Constitution sera « établie et affermie sur des fondements solides », Charles Maurice aime à retrouver sa vicomtesse préférée. D’abord parce que, avec sa poitrine propre à damner tous les chanoines de Saint-Germain-l’Auxerrois, la belle Catherine est une sensuelle effrénée, ensuite parce qu’ils partagent l’un et l’autre le même goût pour le jeu et pour la politique.
    C’est dans ses bras qu’il célèbre le culte d’Éros au soir du 14 juillet pendant que, des fenêtres grandes ouvertes, montent les cris de joie de « la populace parisienne » qui a décidé de fêter la prise de la Bastille comme les Romains fêtaient les saturnales.
    — À moins d’un redressement spectaculaire, la monarchie est perdue, marmonne-t-il avant d’embrasser les tétons fripons de sa torride amante.
    Et le lendemain, après avoir escaladé les degrés du Louvre et caressé le bébé Charles de Flahaut, il s’endormait dans les bras de la maman.
    Après l’avoir caressée, elle aussi.
    Et le surlendemain il bondissait clopin-clopant chez son ancien amour, madame de Brionne, princesse de Lorraine et mère du prince de Lambesc, si haï des Parisiens depuis que son régiment s’était heurté aux émeutiers

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