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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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enfermer avec l’équipage dans la soute à poudre. Une fois le navire à la dérive suffisamment éloigné du sien, il s’était chargé lui-même de l’enflammer de plusieurs flèches, avant de se tourner vers son équipage, livide, et de l’inviter à festoyer. L’explosion les y avait décidés.
    Il était des êtres qu’il valait mieux ne pas contrarier.
    Mathieu, quant à lui, n’avait émis aucun commentaire sur cette pratique que Le Teigneux lui affirma justifiée. Pas de témoins. Pas d’accusé. Même si elle lui coûtait ce jourd’hui, il savait par Le Muet en avoir usé du temps de ses brigandages en Dauphiné.
    Selon Le Teigneux, ils étaient faits pour s’entendre.
    Qu’importait sa mémoire perdue.
    — Elle te reviendra par le fil de l’épée, lui avait-il affirmé en lui démontant l’épaule d’une tape vigoureuse, la seule fois qu’il en avait reparlé.
    En vérité, Mathieu redoutait la prochaine bataille.
    Avec le bandeau noir qui recouvrait son œil aveugle, ce visage rongé de barbe brune, ce crin blanc à son crâne et le crochet à sa dextre, il pouvait facilement passer pour un pirate. Mais d’allure seulement, car Mathieu ne parvenait pas à retrouver en lui ces élans sanguinaires qu’on lui prêtait.
    Il ne se sentait pas à sa place sur ce navire.
    Évidemment, Le Teigneux ne lui laissa pas d’autre choix que de s’adapter.
    *
    Le 27 juin, le jugeant assez remis pour intégrer la vie d’équipage, il fut enrôlé à la mâture.
    — Comme ça, si tu tombes, tu pourras te retenir aux drisses par ton crochet…, avait plaisanté Thomas Guil avant d’ajouter, d’un œil terrible : La seule chose qu’il te faudra éviter c’est de déchirer la voilure.
    Depuis, apprenant d’un autre à écouter le vent, Mathieu s’appliquait à la manœuvre, avec une dextérité qui le surprit lui-même. Ainsi offert aux éléments, il oubliait les rires gras et les récits sanglants de ses compagnons de bordée.
    Peu à peu, il reprit confiance.
    Sa véritable identité lui échappait toujours, mais la vision des étendues marines, le jeu des dauphins et la pêche à laquelle il s’adonna avec un réel plaisir adoucirent l’austérité de son regard.
    Sa relation avec Le Teigneux et Thomas Guil prit plus d’importance aussi. Il n’aurait pas été jusqu’à parler d’amitié à leur égard. Plutôt de reconnaissance, encore que seul le hasard avait guidé leur rencontre.
    Quoi qu’il en soit, son étonnante résurrection leur avait arraché du respect. C’était sa meilleure arme, songeait Mathieu lorsque l’inquiétude d’un nouvel abordage le frôlait. Il n’était pas certain d’y être prêt.
    Ce fut Le Muet qui le libéra. Traduit par Maraval, l’homme lui demanda si sa perte de mémoire n’était pas un moyen inconscient de chercher l’absolution pour ses crimes passés. Voué à la prêtrise dans ses jeunes années, le passeur de l’Isère s’en était guéri par l’amour d’une catin. Mais en avait gardé l’esprit du confessionnal. Mathieu lui en sut gré.
    Ragaillardi par cette hypothèse sensée, il cessa de se torturer. Si elle s’avérait exacte, comme Le Teigneux le pensait, le premier qui tomberait sous sa lame lui rendrait sa vérité.
    Chaque soir, désormais, il vidait une pinte de vin avec le capitaine et son second, puis s’en allait s’étendre sur sa paillasse, au milieu des autres qui s’écartaient pour le laisser passer. Certains même se signaient, persuadés que sa chance rejaillirait sur eux.
    Il s’endormait d’une traite. Et se réveillait de jour en jour plus dispos et plus frais.
    *
    Lorsque, le 29 de ce mois de juin, ils lâchèrent l’ancre dans une petite crique de Sardaigne pour y vendre leur marchandise, il fut le premier à quitter la caravelle à bord d’une petite barque, pour escorter Le Teigneux et son second.
    La taverne plantée sous la falaise, à même la plage, avait la réputation d’un bouge. On y trouvait de tout. De l’alcool de rave aux putains, des chambres aux sangliers rôtis, en passant par du ravitaillement en tout genre et de quoi réparer les avaries. Plus que cela, pourtant, s’y côtoyaient en toute impunité brigands et pirates, soldats du roi et revendeurs. Tous, d’une manière ou d’une autre, la moins respectable possible, en quête d’une bonne affaire.
    Ils purent juger, à quelques toises du port, que sa réputation n’était pas usurpée. Deux hommes se battaient à coups

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