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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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jeunes femmes, bras dessus bras dessous, s’engagèrent dans la Grande Allée, la jolie blonde murmura :
    — Ton collègue...
    — Courchesne ?
    — Il a un sale regard.
    — C’est un sale type.
    Jamais encore il ne s’était adressé à elle en utilisant son titre, minant ainsi sa fierté professionnelle.

    *****
    Lors du repas, les regards de Marie et Paul Dubuc pesèrent longuement sur les deux jeunes femmes. Thalie se sentit même obligée de préciser :
    — Vous le savez bien, je ne peux rien dire de la consultation.

    La situation se révélait un peu étrange: un médecin s’attablait rarement avec sa patiente et ses parents dans les minutes suivant une consultation.
    — Bon, si je dois tout dire, consentit Amélie, voilà: je vais bien, et tous les morceaux de mon corps se trouvent à la bonne place, selon mon docteur.
    — Voilà une information dont je n’ai pas besoin, affirma Gertrude en se levant. Comme si Dieu devait faire vérifier la qualité de son travail par des médecins. Je vais chercher le dessert.
    Pendant son absence, Thalie demanda dans un souffle :
    — Notre amie connaît-elle un soudain enthousiasme religieux ?
    — Oui, répondit Marie sur le même ton, mais cela prend chez elle une tournure très personnelle.
    Personne n’y échappait donc, dans la très catholique province de Québec. La religiosité ambiante finissait par agir sur tous les esprits.

    *****
Pendant la soirée, la famille se réunit dans le salon, autour de la plus récente acquisition du député : un appareil radio Marconi. La maîtresse de maison avait approuvé cette nouvelle initiative de son conjoint, même si en conséquence, son toit s’ornait désormais des fils métalliques bien peu esthétiques de l’antenne.
    A neuf heures, les jeunes femmes souhaitèrent une bonne nuit aux parents, puis se retrouvèrent dans la chambre donnant rue de la Fabrique. Malgré des moyens financiers plus conséquents, Thalie n’y changeait rien, à une exception près: la vieille malle, utilisée en 1918 pour ses études à Montréal, faisait maintenant office de siège devant la fenêtre. La commode en bois un peu décolorée et couverte de marques, le fauteuil défoncé, le lit étroit: les meubles du début du siècle lui convenaient toujours malgré leur usure.
    Elle s’allongea sur le lit en robe de nuit, invita la visiteuse à occuper le fauteuil tout en précisant :
    — Approche-le un peu pour étendre tes jambes.
    Les longues journées au magasin se révélaient souvent exténuantes, mieux valait prendre ses aises.
    — Je suis un peu surprise de te voir seule un jeudi, reprit Thalie.
    — Nous allons nous reprendre demain. Ce soir, David est allé chez les entrepreneurs Price, pour faire valoir un projet de construction au Saguenay.
    — Voilà
    qui
    atténuera
    peut-être
    ses
    inquiétudes
    professionnelles.
    — J’irais moi-même allumer un lampion à la basilique, si je croyais cela efficace.
    Une carrière, ce ne serait pas la demande la plus modeste formulée à Dieu par les habitants de la ville. Thalie allongea la main pour toucher le pied de sa demi-sœur, posé près d’elle sur le matelas.
    — Avez-vous l’intention de vous fiancer ?
    — Lors d’une petite réception donnée au Château Frontenac?
    Le sourire narquois d’Amélie signifiait combien elle avait peu envie de répéter l’expérience de sa sœur Françoise, des années plus tôt.
    — Tous les parents de Québec ne sont sans doute pas aussi impressionnables que ceux de Gérard. Puis au moins, ces Irlandais doivent savoir danser.
    — Mais je doute que l’orchestre du Château soit capable de jouer les réels ou les gigues de ces gens-là. De toute façon...
    — ... le garçon n’a pas encore déclaré ses intentions.
    Les étudiants de l’Université Laval avaient défilé dans le commerce ALFRED pour conter fleurette à la jolie vendeuse. De son côté, celle-ci se languissait à cause d’un garçon un peu trop réservé.
    — Cela ne peut pas durer. Tu vas devoir lui demander quelles sont ses intentions, conclut Thalie.
    — Tu me vois lui dire : écoute, David, que désires-tu exactement de moi ?
    — Comme tu as pu formuler la question devant moi, tu le peux devant lui. Les mêmes mots, la même intonation.
    — La grande différence, c’est que si toi tu ne veux pas m’épouser, cela ne me rendra pas très malheureuse.
    Elles éclatèrent de rire toutes les deux, pour ensuite se taire.
    — Je n’ai pas vraiment

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