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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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à une main coupable.
    — J’ai besoin d’en savoir plus.
    — Paul-Emile a volé mon béret. J’ai couru après lui.
    Puis soudainement, il s’est arrêté. J’ai heurté son dos, il s’est étendu de tout son long, le visage contre le sol, sans plus bouger.
    — Crains-tu que le choc contre lui, ou alors la chute, soit la cause de sa mort ?
    — Je courais très vite parce que...
    L’écolier s’interrompit. Jamais il n’admettrait les circonstances de cette poursuite. Pas même devant monseigneur Buteau.
    Comment
    avouer
    que
    son
    intérêt
    pour
    un
    garçon de Syntaxe suscitait des railleries de la part des autres ?
    — Prenons les choses une à la fois, commença Thalie en se penchant vers son interlocuteur avec sympathie.
    Imagine deux enfants courant l’un derrière l’autre. Si le second heurte le premier sans faire exprès, que celui-ci roule sous une voiture, tu admets que c’est un accident ?
    — ... Oui.
    — En conséquence, cet enfant ne devrait pas être accusé d’avoir mal fait, n’est-ce pas ?
    — Si vous le dites...
    La notion de responsabilité ne paraissait pas si claire au garçon, mais il ne souhaitait pas s’engager dans un débat sur un cas hypothétique.
    — Et cet enfant lui-même ne devrait rien se reprocher non plus. Nous pouvons tous pleurer devant la bêtise d’un accident. Lancer des accusations ne sert à rien.
    Ces arguments, Raymond se les répétait depuis la récréation du samedi précédent. Le péché impliquait la volonté de faire le mal. Dans cette histoire, mettre son poing sur le nez de Letendre aurait suffi à soulager sa fierté blessée.
    Jamais il n’avait imaginé un pareil dénouement.
    — Cet écolier..., ajouta Thalie.
    — Paul-Emile.
    — Paul-Emile s’est-il heurté la tête contre une pierre ?
    Est-ce qu’il s’est rompu le cou ?
    Le visiteur secoua la tête de gauche à droite.
    — Je vois deux causes possibles à la mort: une attaque cardiaque, sans doute à cause d’une malformation, ou alors la rupture d’un anévrisme. Je penche pour cette éventualité, car il est mort vingt-quatre heures après l’accident. A l’autopsie, le médecin a dû constater la cause exacte du décès.
    — Vous en êtes certaine ?
    La jeune femme donna son assentiment d’un signe de tête. Visiblement, ses arguments suffirent à lever un poids des épaules de son jeune patient. Son soulagement ne dura toutefois qu’un bref instant.
    — Une malformation au cœur ou un anévrisme, murmura-t-il. Ce sont des mots de docteur, ça. Dieu n’en a pas besoin. Si son doigt se pose sur vous...
    Raymond posa son index sur une poussière sur le bureau du médecin, comme un dieu vengeur écrasant un pécheur.
    — Quelles que soient nos actions, nos désirs, nos aspirations, Lui seul dispose de nos existences.
    «Voilà la véritable raison de sa visite, songea Thalie. Il a seize ans, et il prend conscience que la vie peut nous quitter au milieu d’un jeu, d’une poursuite, d’une querelle. »
    Plutôt que d’admettre son trouble, Raymond évoquait un vieux barbu assis sur un nuage, les yeux froncés devant les faiblesses humaines. Aucune hypothèse ne lui venait, comme substitut à cette vision, sauf le hasard. Cela non plus ne la satisfaisait pas.
    — Je ne devine pas la volonté de Dieu, rétorqua-t-elle.
    Je ne connais rien à ce sujet, en fait. Nous mourrons de diverses affections, ou alors d’un accident, ou bien de vieillesse pour les plus chanceux d’entre nous. Alors, si d’après toi il faut un principe organisateur, une cause première, tu en as une : Dieu crée les corps avec leurs fragilités, il a voulu l’existence des microbes et des germes, tout comme les défauts
    de
    construction
    qui
    font
    s’effondrer
    les
    ponts, couler les navires...
    Elle alignait les mots sans afficher une bien grande conviction.
    — Vous en doutez ? demanda-t-il.
    Pour lui, douter ne paraissait même pas concevable. Son équilibre exigeait cette présence, cette volonté derrière le cours des événements.
    — Si un jour je veux discuter de ces choses, je ne me chercherai pas un conseiller spirituel de seize ans.
    Son ton était devenu cassant, tout d’un coup. Il trahissait son malaise devant la tournure de l’échange. Son interlocuteur essuya la rebuffade. Elle ne voulut pas terminer leur entretien de cette façon.
    — Nous avons parlé de la mort de ton ami, et même de l’existence de Dieu. D’habitude, les gens qui visitent leur médecin

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