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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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par son visage lisse, ses cheveux en lin d’un jaune peu réaliste, il devait avoir six mois environ. Là aussi, on s’éloignait du vraisemblable.
    Une quinte de toux le tira de sa méditation pieuse. Afin de se reposer un peu, il choisit d’aller s’asseoir dans le banc numéro 21, celui de sa famille. Les yeux clos, bercé par la musique religieuse, il commença à réfléchir à ce qu’il allait inscrire dans son journal. Malheureusement, il n’avait pas pensé à prendre un carnet et un crayon avec lui.
    « Dans une heure, Noël ! Dans une heure, Jésus va naître. »
    Cela ferait une entrée en matière à peine passable. Il fallait trouver mieux, pondre une formule digne d’un premier de classe... non, d’un second, à en juger par ses derniers résultats scolaires.
    « O mystère ineffable, grandiose, terrible et consolant à la fois. Un Dieu, le seul maître souverain de tout ce que nous pouvons sentir. »
    Cela faisait un peu pédant, mais monseigneur Buteau et la postérité devraient s’en contenter. En voyant les paroissiens arriver, de plus en plus nombreux, il chercha une finale :
    «Un Dieu qui a tout créé, un Dieu qui s’est fait homme comme nous, descendu sur la terre, présent dans nos cœurs !
    Je vais le recevoir en moi tout à l’heure. Mystère ! »
    L’auteur dut mettre de côté ses belles phrases lorsque son père et François vinrent occuper le banc avec lui. La mère demeurait à la maison afin de terminer la préparation du réveillon. Ses deux sœurs se tinrent au fond, certaines que leurs cavaliers ne tarderaient pas à venir se planter près d’elles. La cérémonie leur paraîtrait plus courte, émaillée de fous rires discrets. Les froncements de sourcils des zouaves censés maintenir l’ordre ne réussiraient pas à gâcher leur plaisir.
    Pour les autres paroissiens privés de la proximité d’une âme sœur, la messe parut plus longue. L’orgue manipulé avec compétence et le talent des chanteurs de la chorale ne suffisaient pas à compenser la voix grinçante et le rythme lent du curé Buteau. Cette célébration se voulait joyeuse et optimiste. Même les paroissiens les plus indulgents se crurent pourtant transportés au Vendredi saint.
    Au retour à la maison, une odeur de pâtés et de tartes envahissait les lieux. François découvrit sous l’arbre le camion tant convoité. Un seul autre présent s’y trouvait, destiné à Raymond, dans un emballage d’un vert sombre.
    Celui-ci se montra hésitant à le prendre, ce fut son cadet qui le lui tendit finalement. Cette nouvelle habitude de se donner des présents à Noël lui paraissait une dangereuse importation païenne des Etats-Unis.
    Il découvrit un chapelet en cristal assez joli. Cela racheta un peu l’idée des étrennes à ses yeux.
    — Merci, maman, dit-il en la serrant dans ses bras.
    Il hésita juste un peu trop longtemps avant de dire

    «merci, papa». Les mots se heurtèrent au dos de l’homme, qui ne vit pas la main tendue.
    À table, Raymond accepta une toute petite part de pâté avec un peu de thé noir, refusa la tarte et les autres sucreries.
    Se mortifier par le goût. Depuis septembre, il avait perdu une dizaine de livres.
    Un peu plus tard, alors qu’il montait l’escalier, plaidant la fatigue, une toux sèche le stoppa de nouveau.

    *****
— Mais c’est très bon, décréta Gertrude en se servant une nouvelle portion.
    Flavie allait commettre un gros péché d’orgueil quand la suite de l’intervention la ramena sur terre.
    — On voit tout de suite que tu as eu un excellent professeur de cuisine.
    La future parturiente se trouvait à la meilleure place, au bout de la table, rayonnante avec son gros ventre. Au septième mois de sa grossesse, tout allait bien. Elle vaquait encore à ses activités et se permettait des marches quotidiennes dans les environs.
    — C’est vrai que tu as eu un bon professeur, mais tu as du talent, dit Paul en se penchant vers elle.
    À la fin, elle en arrivait à trouver ce politicien gentil, attentionné. Sa belle-famille ne l’intimidait plus du tout.
    En rendant Marie grand-mère pour une première fois, elle s’assurait de son amour inconditionnel. Sous la table, Mathieu allongea la main pour la poser sur sa cuisse. C’était là un autre motif de se montrer satisfaite de son existence : sa grossesse, loin de rebuter son époux, l’amenait à multiplier les attentions délicates.

    A l’autre bout de la table, Thalie se tenait en face de

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