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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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vous assure que ce ne sera pas pour ces messieurs.
    Il avait affecté un peu de dépit sur les deux derniers mots, pour bien signifier à sa compagne qu’elle seule justifiait de se coucher tard. Comme prévu, quatre des habitants de la maison occupaient le salon. L’un d’entre eux était monté dans sa suite pour revenir avec une bouteille de Glenfiddich.
    Il entendait la partager avec ses voisins.
    — Madame Picard, je peux vous verser un verre ?
    — Merci, mais je préfère m’en tenir à une boisson moins forte.
    — Et vous, Hector ?
    — Je veux bien, dit celui-ci en prenant place sur la causeuse.
    L’homme occupant l’autre place eut la délicatesse de l’abandonner quand Elisabeth revint de son appartement avec un verre de sherry à la main. Elle put s’asseoir à côté de son compagnon de la soirée.
    — Madame, commença l’un des députés, vous avez vraiment rafraîchi ces lieux d’une façon charmante.
    De la main, il désignait la grande pièce, mais il sous-entendait toute la maison. Le nouveau papier peint et les meubles venus du grand magasin PICARD rappelaient l’intérieur d’une maison bourgeoise. Les vieux fauteuils ornaient désormais le salon aménagé au sous-sol de la maison de la rue Saint-Denis. Les étudiants s’y réunissaient d’autant plus volontiers qu’ils ne partageaient plus les lieux avec des «vieux».
    — Ainsi, vous reconnaissez que la petite augmentation du loyer se trouve justifiée ?
    L’autre grimaça un peu avant de rétorquer:
    — C’est la malédiction de la décennie, ces prix qui montent sans cesse. Je suppose que vous n’avez pas eu le choix.
    Si le sujet lui avait valu une discussion un peu vive avec certains de ses locataires, aucun d’entre eux ne paraissait enclin à quitter la pension. La conversation porta bien vite sur la pièce Knock ou le Triomphe de la médecine. Chacun convenait qu’il s’agissait d’un très agréable divertissement.
    — Tout de même, ces Français s’élèvent un cran au-dessus des troupes
    locales,
    même
    celles
    de
    Montréal,
    opina
    l’un des députés originaire de la métropole.
    — Je dirais même deux ou trois crans, proposa un autre.
    — Et dimanche prochain, déclara Perrier, nous entendrons le curé de la cathédrale s’insurger contre les dangers de ces spectacles indécents.
    L’homme d’une soixantaine d’années, grand et mince, la tête couverte de cheveux gris, regardait sa compagne avec un sourire satisfait. Depuis quelques mois, par sa présence, elle rendait son veuvage considérablement plus léger.
    — Pensez-vous qu’ils trouveront des motifs de colère à propos de cette comédie très innocente, au fond? demanda-t-elle.
    — Quelle était la phrase exacte ? « La bonne enfile des perles», je crois.
    Sa compagne hocha la tête. Le seul mot «enfiler» soulèverait sans doute le courroux des soutanes.
    En avalant son whisky à petites gorgées, Hector Perrier participa à la discussion avec les autres locataires tout en couvant Elisabeth des yeux. Les nombreux témoins empêchaient toutefois
    tout
    tête-à-tête.
    Peut-être,
    songea-t-il,
    en
    viendrait-elle bientôt à le recevoir dans ses appartements particuliers. Cet espoir lui gardait sa bonne humeur.
    Bientôt, il posa le verre vide sur une table basse en disant:
    — Messieurs, j’ai été heureux de converser avec vous.
    Maintenant, l’heure est venue de rentrer à la maison. Je vous souhaite le bonsoir.
    Les autres lui rendirent son souhait, la plupart saisirent l’occasion pour regagner leur chambre. Dans le petit hall, Elisabeth aida son compagnon à mettre son paletot.
    — Hector, je vous remercie pour cette excellente soirée.
    Il est dommage que ce genre de spectacle ne nous soit pas offert plus souvent.
    — Avec vous, ma chère, même l’Hercule du lac Saint-Jean me paraîtrait divertissant.
    Elle le remercia d’un sourire, tout en souhaitant qu’il ne l’invite pas lors des passages d’hommes forts à l’Auditorium.
    L’odeur de sueur et les muscles saillants ne lui disaient rien.
    — Souhaitez-vous que j’appelle un taxi ? demanda-t-elle.
    — Non, marcher me fera du bien.
    — Il gèle, dehors.
    — Je me réchaufferai en pensant à vous.
    Elle accueillit la répartie avec un sourire amusé. Encore à son âge, il débitait les mêmes paroles romantiques que les étudiants, dans des circonstances analogues.
    — Bonne nuit, Elisabeth, dit-il en prenant sa main.
    — Bonne nuit,

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