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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de trente ans ayant perdu sa femme lors de la grippe espagnole.

    Mathieu avait eu l’idée de leur permettre de se rencontrer.
    Après quelques minutes côte à côte, si aucun des deux ne voyait les indices d’un coup de foudre, la soirée promettait tout de même d’être plaisante.
    De leur côté, Fernand et Elise renouaient avec plaisir.
    Au moment où tous les deux fréquentaient assidûment la demeure de Thomas Picard, ils avaient entretenu des rapports courtois.
    Maintenant,
    ils
    se
    découvraient
    des
    choses
    en commun. Avant le lever du rideau, leur conversation porta surtout sur leurs enfants respectifs.
    Louis Jouvet avait choisi de présenter Knock ou le triomphe de la médecine, de Jules Romains. Les bonnes gens de Québec voulurent bien se passionner pour ce médecin résolu à étendre à sa profession les pratiques de la publicité moderne, au point où, quelques mois après son arrivée au village de Saint-Maurice, les habitants trop bien portants en venaient à se croire malades.
    A l’entracte, Thalie se pencha un peu sur la balustrade afin de voir lesquels de ses concitoyens profitaient du théâtre français. De l’autre côté de la salle, également dans une loge, elle reconnut une silhouette familière à ses cheveux blonds relevés, au cou gracile, aux traits réguliers.
    — Il s’agit d’Elisabeth Picard, dit-elle à son compagnon.
    Mais je ne connais pas l’homme avec qui elle se trouve.
    — C’est Hector Perrier. Il a été ministre libéral il y a quelques années. Maintenant, il siège au Conseil législatif.
    Je les ai vus à quelques reprises ensemble. Si c’est sérieux, il s’est trouvé une prétendante charmante.
    Le Conseil législatif jouait le rôle d’un «petit Sénat»
    provincial. Et comme pour son équivalent fédéral, personne ne savait précisément à quoi il servait.
    — Dans la loge voisine, je reconnais l’un de vos parents, le commerçant Picard, continua son cavalier.
    Inventorier les personnes présentes représentait un passe-temps comme les autres, cela d’autant plus que la jeune femme avait décliné son offre d’aller boire quelque chose.
    — Vous avez raison. Sa femme se trouve avec lui, mais je ne connais pas les autres.
    — Il est avec l’un de ses beaux-frères avocat, et la femme de celui-ci.
    D’un sourire, Thalie remercia André de son effort pour meubler la conversation.
    «Je suis vraiment incorrigible, se dit-elle. Ce garçon est charmant et il fait tout pour incarner le meilleur compagnon et moi, je dresse la liste des spectateurs. » Remplie de bonne volonté, elle déclara :
    — Allons nous dégourdir un peu les jambes. Il reste encore quelques minutes.
    En se levant, elle lui tendit le bras. Il le prit avec plaisir.
    Le couple revint juste avant le lever du rideau. Quand Thalie reprit sa place, Elise lui demanda :
    — Sa vision de la médecine doit te faire grincer des dents, n’est-ce pas ?
    — Au contraire, répondit Thalie, je la trouve non seulement amusante, mais elle s’applique un peu à moi. Tu vois, Knock offre des consultations gratuites un jour par semaine pour se faire un nom, et il se soucie d’identifier les clients capables de payer des traitements coûteux. Moi, je passe une journée par semaine au dispensaire des pauvres.
    — Mais l’idée de trouver des clients susceptibles de t’enrichir me semble bien irréaliste, ricana son amie.
    — Je vais donc écouter la suite des choses très attentivement, pour apprendre, répondit-elle avec un sourire.

    Le retour des comédiens sur scène les ramena au silence.

    *****
«Jésus tombe pour la troisième fois.»
    Raymond Lavallée se tenait debout dans l’allée centrale de l’église Saint-Roch, les yeux sur un tableau un peu sombre représentant la neuvième station du chemin de croix. Il obéissait à une nouvelle routine, mise au point au fil des dernières semaines.
    — Les souffrances de Jésus, c’est moi qui les lui inflige, marmonna-t-il. Par mes péchés.
    Le personnage barbu du tableau paraissait écrasé sous la lourde croix. Autour de lui, des badauds bien sûr, mais aussi des soldats, ne se montraient guère disposés à lui venir en aide.
    — Et par ses souffrances, Jésus fait mon salut.
    Cette habitude de parler seul dans le temple attirait l’attention des autres paroissiens venus faire des dévotions, essentiellement des femmes âgées. Elles le regardaient avec une sympathie certaine. Dans ce milieu de dévotes, une rumeur

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