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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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reprises. La saleté sur ses lèvres lui soulevait un peu le cœur. La fraîcheur du bois, sous lui, incita ses hanches à amorcer un mouvement de va-et-vient.
    Nouvel assaut.
    — Ah non ! Pas question, Chariot. «Je vous salue Marie, pleine de grâce... »
    La main fiévreuse chercha dans un tiroir de la commode.
    Le compas se trouvait là, un instrument de géométrie en bronze terminé par des pointes en fer bien aiguës. Le geste vif, il visa sa cuisse, geignant sous la douleur.
    — Tu vois ce coup de griffe ! Pas ce soir.
    Dans la pénombre, Raymond vit apparaître un disque sombre sur le tissu de son sous-vêtement. La tache de sang ferait froncer les sourcils de sa mère. Au moins, Chariot rampait maintenant sous la porte de la garde-robe, vaincu..
    pour une courte période.

    *****
    Même si elle exigeait de longues heures de travail, la collaboration d’Emile Buteau à L’Action catholique lui apportait une grande satisfaction, plus grande encore que les prônes du dimanche. Cela tenait un peu à sa conscience d’être, au fond, un bien piètre orateur. Bien sûr, ses sermons respectaient les règles de la grammaire, de la syntaxe, et surtout celles de l’éloquence guidée par la foi. Toutefois, la chaire lourdement sculptée et rehaussée d’inscriptions latines de l’église Saint-Roch ne changeait rien à la monotonie de son débit ou à sa voix un peu éraillée.
    A l’écrit toutefois, l’ecclésiastique savait manier à la fois l’exhortation et la menace du châtiment éternel pour éradiquer le mal et amener son troupeau aux portes du paradis.
    Jusqu’à onze heures, il chercha les mots justes pour fustiger tous les péchés assaillant sa paroisse. Une fois sa plume revissée et posée près de l’encrier en cristal, le bon abbé s’étira longuement. Du bout du doigt, il caressa la courbe de la théière placée près du sous-main par une religieuse une heure plus tôt.
    — Monseigneur, ne travaillez pas trop tard, avait murmuré la sainte femme avec déférence.
    Ce «monseigneur» ne signifiait pas grand-chose, réalisait Emile Buteau avec le passage des heures. Les curés des grosses paroisses montrant un peu de zèle recevaient ce titre honorifique. Il valait à ses titulaires une écoute plus attentive de la part
    du
    cardinal-archevêque,
    une
    meilleure
    place
    dans les processions, sans plus.
    — Se pourrait-il que..., murmura-t-il.
    Formuler toute la phrase heurterait la vertu de modestie essentielle à tout membre du clergé. L’homme gardait de son enfance malheureuse quelques menues superstitions.
    Selon l’une d’elles, nommer à haute voix l’objet de ses désirs portait malheur.
    — Normalement, le trône devrait aller à monseigneur Roy, l’évêque coadjuteur. Mais cela ne se peut pas...
    Se parler à soi-même venait avec les années de solitude.
    L’homme s’y abandonnait sans même s’en rendre compte.
    Paul-Eugène Roy avait été curé de la paroisse Notre-Dame-de-Jacques-Cartier. Lui aussi prélat domestique, véritable colosse à la voix tonitruante, très habile prêcheur et excellent écrivain - enfin, si l’on avait une inclination pour la prose ecclésiastique -, tout faisait de lui le successeur de monseigneur Bégin. Pourtant, Dieu en avait décidé autrement.
    Hospitalisé depuis 1923, rongé par un cancer des intestins, le pauvre n’en finissait plus d’agoniser. Littéralement, il se voyait pourrir petit à petit.
    — Il serait tellement mieux mort...
    Ces mots, les paroissiens les répétaient pour toutes les personnes dont la condition leur paraissait insupportable.
    Même s’ils ne portaient pas vraiment à mal, le saint homme murmura :
    — Que votre volonté soit faite, Seigneur !
    La soumission réaffirmée, il revint à sa réflexion. Roy ne pouvait être en lice. Cela laissait deux candidats, Buteau lui-même, et le prétentieux monseigneur Langlois. Celui-là paraissait trouver une intense satisfaction à régler les détails de l’exposition en chapelle ardente et des funérailles de son supérieur. C’était une excellente façon pour lui de se mettre sur le devant de la scène.
    — Cet homme-là ne peut pas diriger le diocèse de Québec. Il n’a aucune expérience du travail paroissial. On ne fait pas un cardinal avec un directeur de collège. D’autant plus qu’il est évêque depuis un an à peine.
    Pourtant, malgré ce manque évident d’expérience, Louis-Nazaire Bégin en avait fait son auxiliaire. Buteau se

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