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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Bien sûr, bien sûr. Je voulais dire s’occuper de ta demeure...
    Plutôt que de s’engager dans un exposé sur les travaux domestiques, Mathieu préféra écourter cet entretien.
    — Je te remercie pour les félicitations.
    Après une pause, Edouard se tourna vers son ancienne employée.
    — Je vous réitère mes meilleurs vœux, à vous et à votre famille à venir.
    — Merci, monsieur. Merci pour les dernières années.
    La situation devenait ridicule: elle le remerciait de l’avoir fait travailler
    de
    longues
    heures
    pour
    un
    salaire
    médiocre. A l’échange succéda un silence embarrassé, puis elle tourna le dos en murmurant «Au revoir». Au cours des années à venir, ils se croiseraient dans la rue ou sur le parvis de la nouvelle église paroissiale Saint-Dominique. Cependant, jamais plus ils n’auraient de véritable conversation, songea-t-elle.
    Mathieu récupéra une boîte en carton sur un classeur du secrétariat.
    — Tu n’as rien d’autre ? demanda-t-il.
    — Non. Les objets personnels n’ont pas leur place dans un bureau.
    Des livres, une paire de chaussures et une tasse remplissaient à moitié le contenant. En partant, Flavie lança à l’intention de sa remplaçante, d’une voix légèrement sarcastique :
    — Amusez-vous bien.
    Mathieu, quant à lui, la salua d’un signe de la tête.
    — Le salaud, il ne m’a même pas remerciée de m’être décarcassée pour lui pendant six ans ! pesta-t-elle une fois dans lé couloir.
    Dans leur dos, une voix gouailleuse demanda :
    — Georgette, venez ici, voulez-vous ?
    — Et le voilà prêt à relancer le grand jeu du Casanova de la rue Saint-Joseph, enchaîna la femme.
    — Certains hommes ne changent jamais, ricana Mathieu en s’engageant dans l’escalier.
    Quand ils passèrent la porte du commerce, Flavie s’arrêta sur le trottoir, regarda derrière elle, puis cligna des yeux pour laisser couler une larme, une seule. Une part de sa vie, le plus souvent satisfaisante, devait-elle en convenir, prenait fin.
    — Espérons seulement que le tramway ne sera pas bondé, continua Mathieu, sinon j’aurai l’air fin avec cette boîte.
    — A cette heure, l’affluence devrait être passée. Dans une demi-heure, nous serons à la maison.
    — Mais nous n’allons pas rentrer tout de suite.
    Elle ouvrit de grands yeux, surprise.
    — Cela fait des semaines que j’essaie de t’emmener au restaurant Kerhulu . Ce soir, nous irons. Te voilà libérée de ce malotru. Cela mérite une petite célébration.
    Elle songea à protester, à rappeler qu’à l’avenir, ils devraient se passer de son salaire, mais elle accepta dans un sourire. Comme un passager attentionné lui avait cédé son siège, elle prit la boîte sur ses genoux. Lentement, ils se dirigèrent vers la Haute-Ville.

    *****

    Récemment ouvert rue de la Fabrique, le restaurant Kerhulu attirait les amateurs de cuisine française. Mathieu avait réservé une table près des fenêtres ouvertes. A sept heures, un verre à la main, le couple profitait de l’air doux de cette fin d’août.
    Tandis qu’elle montait la côte d’Abraham en tramway, la tristesse de la jeune femme d’abandonner son emploi s’était totalement estompée.
    — Je vais m’ennuyer un peu, tout de même, en attendant la naissance, avoua-t-elle.
    Elle caressa son ventre de la main. Maintenant, l’arrondi était facilement
    perceptible.
    Dans
    un
    mois,
    même
    avec un vêtement assez lâche, les gens devineraient son état. — Après, ajouta-t-elle, je suppose que je serai occupée, au moins durant la première année.
    — Te reposer un peu ne te fera pas de mal.
    — Je ne compte pas demeurer à ne rien faire. Je saisirai l’occasion pour apprendre à faire raisonnablement bien la cuisine.
    — Ah ! Voilà la raison de ces nouveaux livres.
    La conversation s’interrompit, le temps de passer la commande.
    — Mais je ne pense pas apprendre toute seule..., confia-t-elle en souriant. Gertrude a accepté de me donner des leçons.
    — Tu as réussi à apprivoiser notre dragon domestique !
    répondit l’homme, après avoir laissé échapper un sifflement admiratif.
    — Elle est très gentille.
    — Je suis certain de cela, elle m’en a donné la preuve à de nombreuses reprises. Tout de même, je crois qu’elle a été élevée dans une famille de porcs-épics.
    En mangeant, le couple discuta aussi du prénom de l’enfant à naître. Flavie espérait un garçon, convaincue que ce soit le désir

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