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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Coca-Cola, dit Thalie en décapsulant une petite bouteille verdâtre. Il est encore un peu frais, je l’ai pris dans la glacière tout à l’heure.
    Pendant une demi-heure, elles dégustèrent sandwichs et fruits. La conversation porta sur le très beau temps et l’achalandage au cabinet du docteur Caron. Lentement, trop lentement à son gré, Thalie voyait sa clientèle se constituer.
    — Bientôt, dit Elise, tu n’auras plus de temps à consacrer au dispensaire des pauvres.

    — Je sais que ce travail bénévole me prend bien du temps, mais tu sais, c’est une excellente école. Avec les religieuses
    et
    mon
    collègue
    Courchesne,
    j’apprends
    beaucoup.
    — Et avec papa ?...
    La jeune femme semblait prête à défendre le docteur Caron bec et ongles.
    — J’apprends autre chose. Les clientes qui fréquentent le cabinet sont pour la plupart des femmes en bonne santé, bien nourries, bien logées. Une fois de temps en temps, je discute de cas plus compliqués avec ton père. Au dispensaire, je vois défiler toutes les maladies de la misère. Parfois, je me vois dans l’obligation d’annoncer à des gens leur mort prochaine...
    — Cela arrive aussi au cabinet, tenta Elise.
    — Moi, je n’ai pas eu à le faire encore. Et avec une personne âgée, ce serait autre chose... je crois.
    Peut-être que non, se dit-elle. Après tout, même à quatre-vingts ans, le saut vers l’inconnu suscitait sans doute de semblables angoisses.
    — Lundi dernier, j’ai reçu une jeune fille atteinte de tuberculose... expliqua-t-elle pour mieux se faire comprendre.
    Son regard se porta sur Estelle. L’adolescente avait dû faire face très précocement à la mort, avec le départ de son père.
    — Ne crains pas de m’effrayer, Thalie, dit-elle dans un sourire.
    La jeune femme tendit la main vers celle de l’adolescente, la serra gentiment.
    — C’est vrai, des fois j’oublie que tu es devenue grande.
    La conversation porta sur l’impuissance où l’avait plongée le sombre pronostic de la jeune malade.

    — J’aime tellement mieux recevoir des patients comme ma belle-sœur, conclut-elle, pour leur annoncer une naissance prochaine.
    — Elle semblait tellement heureuse, commenta Elise.
    Elle avait l’air de planer quand elle est sortie.
    Ce sujet de conversation aussi rompait avec les usages.
    Chez les ursulines, bien des jeunes filles de l’âge d’Estelle gardaient encore une idée bien vague de l’origine des bébés.
    Thalie écarta le panier maintenant vide, chassa les miettes de pain de la main puis s’étendit sur le flanc, attentive à placer sa jupe de façon à ne rien révéler aux passants.
    Les deux autres firent de même. Elles formaient un curieux triangle.
    — Remarquez, dit-elle encore, la vieille fille en moi ressent un petit pincement au cœur à chaque fois que j’annonce une naissance.
    — Voyons, tu es encore jeune...
    — L’âge de coiffer Sainte-Catherine...
    Sa compagne ne sut que répondre. Le médecin renchérit :
    — Tiens, cela conduit à de drôles de situations. Mathieu a invité Fernand Dupire à souper l’autre soir. Je me suis jointe à eux pour jouer aux cartes. Retenue pour le bridge quand un convive se trouve seul ! Je devrais offrir mes services dans Le Soleil. Imagine l’annonce : «Vieille fille à louer pour soirées tranquilles. »
    Si la répartie fit glousser Estelle, la mère ne parut guère sensible à cet humour.
    — Fernand était seul ? demanda-t-elle.
    — D’après mon frère, il ne sort jamais en compagnie de son épouse. Selon lui, elle se montre si désagréable que ce serait cruel d’infliger sa présence... Mais tu la connais, je pense.

    — Nous sommes allées au couvent ensemble.
    Ce souvenir ne semblait guère heureux. Thalie baissa sa voix d’un ton pour demander :
    — Est-elle aussi... difficile que mon frère le laisse entendre ?
    — Je ne la vois plus depuis des années. D’un côté, elle savait se comporter en société, de l’autre, elle pouvait se montrer très condescendante, au point de blesser. Et d’autres fois, tout
    simplement
    mesquine.
    Mais
    je
    ne
    sais
    trop comment a évolué son humeur.
    — Mathieu a passé son année de cléricature chez Dupire, partageant très souvent le dîner avec la famille. Il a été très clair: jamais il ne la recevra chez lui, même si Fernand lui inspire une réelle amitié.
    Elise se mordit la lèvre inférieure, jeta un regard sur sa fille avant de confier :
    — C’est un

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