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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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séparation de corps. Mais l’union ne pouvait être scindée à moins d’entamer une procédure complexe, dont le résultat ruinerait sa carrière. Le notaire ne se voyait pas tout recommencer à zéro dans une
    ville
    lointaine,
    sans
    ses
    enfants,
    là
    où personne ne connaîtrait sa vie antérieure.
    Jeanne suivait le cours de ses pensées facilement. Ils tenaient cette conversation pour la dixième fois peut-être.
    — Elle peut sans mal obtenir la séparation ; tu abrites une maîtresse sous le toit conjugal.
    Au fil des ans, la domestique avait accumulé quelques connaissances en droit.
    — Et dans ce cas, insista-t-elle, plus aucun de ces vieux notables ne passera la porte pour venir dans ton cabinet.
    Notre situation est insupportable, et sans avenir.
    Fernand songeait que lui aussi estimait son mode de vie détestable.
    — Nous pourrions nous arranger autrement, reconnut-il à la fin. Si je louais un petit appartement quelque part en ville...
    — Tu veux faire de moi une femme entretenue. Tu ne me crois pas plus respectable que ça.
    Le notaire avait envie de dire que dans cette maison, seule Eugénie ne faisait rien pour assurer son gîte et son couvert. A ce compte, elle seule était entretenue.
    — Tu pourrais travailler, si tu le juges préférable. Je peux même demander à Edouard de t’engager dans son magasin.
    Je lui ai tellement rendu de services, au fil des ans, il ne me le refusera pas.
    Bien sûr, le marchand lui ferait payer bien des fois cette faveur en railleries, mais le prix ne lui paraissait pas trop élevé.
    — Quelques fois dans la semaine, je te rendrais visite, continua-t-il. Alors, notre vie serait plus facile que maintenant.
    Lui aussi rêvait de quitter ces lieux lugubres, ne serait-ce que pour quelques heures toutes les semaines, afin de retrouver un visage agréable.
    — Tout le monde le saurait, remarqua Jeanne. Dans notre petite ville, rien ne passe inaperçu.

    — Mais personne n’évoquerait la chose à haute voix. Les arrangements de ce genre ne sont pas rares, tu sais.
    Jeanne entendait suffisamment de conversations entre des domestiques pour savoir que les bourgeois de la Haute-Ville aménageaient leur vie conjugale de façon bien complaisante. Ellemême
    devait
    aussi
    meubler
    les
    échanges
    de
    ses collègues, en son absence.
    Comme elle ne répondait pas, l’homme insista :
    — Ce serait la formule idéale. Tu me promets d’y réfléchir, au moins ?
    — ... Je vais y penser.
    Comme elle vidait son verre, Fernand avala la moitié du sien. Le whisky lui parut particulièrement amer. Un peu plus tard, il tendit la main vers sa compagne pour l’inciter à se lever.
    — Pas ce soir, précisa-t-elle, debout à ses côtés. Honnêtement, je n’ai pas la tête à ça.
    En fait, sa compagne semblait déterminée à ne plus jamais avoir la tête à « ça ». A la fin, avec son long travail de sape, Eugénie triomphait de la situation.
    — Bonne nuit, murmura-t-il en l’embrassant sur la joue.
    Pense à ma proposition. Elle pourra nous donner satisfaction à tous les deux.
    — Promis, je vais y penser.
    Jeanne s’engagea dans l’escalier circulaire pour regagner sa chambre sous les toits.

    *****
    Le premier jour de septembre, Raymond Lavallée commença comme d’habitude sa journée par une visite à l’église de la paroisse Saint-Roch. Un vicaire expédia la basse-messe avec célérité. L’assistance se composait de vieilles dames et d’ouvriers, les unes rêvant qu’un regain de religiosité leur procure la santé, les autres, la prospérité. Tous purent bientôt rejoindre la maison pour le petit déjeuner.
    Le jeune garçon fit comme les autres, revêtu d’un nouvel uniforme
    scolaire
    acheté
    d’occasion.
    A
    son
    âge,
    c’est tout juste si sa croissance lui permettait de conserver le même pendant une année scolaire entière. Un peu après huit heures, il se tenait sur le trottoir de la rue Dorchester, près de l’intersection de la rue Saint-Joseph.
    — Il devrait se trouver dans cette voiture, glissa-t-il entre ses dents.
    Bien sûr, Raymond avait toutes les chances de se tromper : comment deviner lequel des tramways prendrait un garçon de Limoilou pour arriver à l’heure au rendez-vous de la rentrée scolaire ?
    La chance lui sourit. En montant dans la voiture, il aperçut la silhouette élancée de l’un de ses camarades de la classe de Belles-Lettres.
    — Je peux m’asseoir? demanda-t-il en arrivant à sa

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