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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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! En sortant, il ne se gêna pas pour jeter un petit regard triomphant à son père.
    L’adolescent fut accueilli par la religieuse faisant office de domestique. Avertie de sa venue, elle le conduisit sans discuter au bureau du curé. Raymond apprécia au passage les nombreux portraits des saints accrochés aux murs du couloir. Si la chose était possible, avoir accès au presbytère accroissait son désir de devenir prêtre. Jusque-là, il avait vu ces hommes dans l’exercice de leur «profession», dans le cadre de cérémonies somptueuses - à ses yeux d’enfant, même la messe déclamée en latin dans les vapeurs d’encens méritait ce qualificatif.
    Là, il contemplait le décor de cette grande demeure, les servantes, le mobilier. En plus de la considération dont jouissait le personnel clérical, qui lui valait la place la plus honorable partout et les compliments les plus ampoulés, il profitait aussi d’un niveau de confort inconnu de la totalité des habitants de la paroisse.
    — Monseigneur, demanda la religieuse en entrant dans le bureau du prêtre, désirez-vous quelque chose à boire ?
    Des yeux, elle désignait le visiteur debout près d’elle, sanglé dans son uniforme d’élève du Petit Séminaire.
    La pauvre femme se découvrait tardivement une fibre maternelle et aurait aimé préparer un chocolat chaud à cet adolescent intimidé.
    — Non merci, ma sœur.
    Elle se retira, un peu déçue. Monseigneur Buteau enchaîna :
    — Assieds-toi. Il y a quelques semaines, tu avais évoqué le désir d’une conversation, mais je t’ai à peine revu ensuite.
    L’homme ne se sentait nullement enclin à donner suite à la démarche de sa nièce Thalie afin d’inciter ce garçon à faire un usage plus modéré de la mortification. Elle avait toutefois éveillé sa curiosité.
    — Mes parents m’ont imposé un exil, indiqua Raymond.
    Afin de ne pas donner l’impression d’être un mauvais fils, il ajouta avec empressement:
    — Je suis allé aider un oncle agriculteur dont le fils aîné est tombé gravement malade.
    — C’est un geste très généreux de la part de tes parents, et de la tienne.
    — Oui, monseigneur.
    Inutile de préciser combien la corvée lui était apparue pesante, ni l’aspect commercial de l’aventure. En octobre, Onézime Tousignant mettrait deux poches de cinquante livres de pommes de terre dans le train, à l’intention de son beau-frère.
    — Puis les travaux des champs ont dû te faire le plus grand bien. Quelques semaines de grand air, un travail physique, cela prédispose à l’étude.
    — Dès le premier jour, j’ai attrapé le rhume.
    Comme pour appuyer ses dires, un éternuement le prit au dépourvu. En s’excusant, il sortit son mouchoir pour souffler bruyamment dedans.
    — Tout de même, tu n’as pas l’air trop affecté, soutint le curé, un peu moqueur.
    — Depuis que je suis de retour dans la paroisse, je me porte mieux.
    Cela tenait peut-être au fait de se rapprocher de son pasteur. Plus vraisemblablement, en s’éloignant de la source du pollen, il avait moins de symptômes.
    — Tu penses toujours à devenir prêtre ? demanda l’ecclésiastique, soucieux d’en venir au fait.
    — Plus que jamais. Ces semaines au milieu d’une famille chrétienne...
    Même aux yeux de l’adolescent, ces poncifs faisaient trop éculés pour les répéter encore. Son hôte lui-même trahit un petit agacement :
    — J’espère que tu ne veux pas dire que tes propres parents sont moins exemplaires ?
    — Non. Bien sûr que non.
    Le visage de son père traversa l’esprit du garçon.
    Pouvait-il vraiment le voir comme un bon chrétien ?
    L’homme raillait certains enseignements de l’Eglise, mettait parfois en doute les directives de son curé. Sa mère était une sainte femme... mais son père !

    — Pour devenir prêtre, enchaîna l’ecclésiastique, tu dois te montrer un bon élève. C’est dans l’accomplissement de son devoir d’état que l’on montre le mieux ses bonnes dispositions.
    — L’an dernier, je suis arrivé second dans ma classe !
    — Second ?
    L’écolier avait montré tant d’orgueil que le curé n’avait pu maîtriser son ironie.
    — Mais j’ai eu plus de prix de fin d’année que le premier, insista le visiteur.
    — Ce soir, en te couchant, tu penseras à la vanité.
    La remarque lui rabattit le caquet. Ce fut les yeux baissés que l’écolier murmura :
    — Oui, monseigneur.
    — Il n’y a pas que les notes à

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