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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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tout son sens à ses yeux. A la fois émue et empruntée, la domestique leur avait fait ses adieux. Béatrice fut la première à enregistrer l’information.
    En pleurs, elle grimpa l’escalier dans un vacarme de talons heurtant brutalement les marches.
    — Je veux Jeanne, cria Charles, je veux manger.
    — Monte avec moi, dit Antoine en tendant la main.
    Jeanne n’habite plus ici, elle l’a chassée.
    L’aîné garda un long moment ses yeux rivés sur sa mère, puis il s’esquiva lui aussi.
    Un sourire effleura les lèvres d’Eugénie. Fernand serra les poings, réprima une envie de la frapper. À la place, il grogna :
    — Au lieu de rester à te réjouir, va préparer le repas. Tu as trois enfants à nourrir. Essaie de ressembler un peu à une mère, si tu en es capable.
    Cette pensée parvint à lui tirer un rictus.

    *****
    À la pension de la rue Sainte-Geneviève, les locataires revinrent de la messe en commentant l’affreuse température. Les yeux
    gonflés,
    Jeanne
    effectua
    son
    premier
    travail
    dans la maison, celui d’essuyer les grandes flaques d’eau laissées par la neige fondue transportée par leurs chaussures.
    Ensuite, timide et empruntée, elle fit le service à table. En quittant la salle à manger, Elisabeth lui glissa à l’oreille :
    — Vers trois heures, je t’attendrai chez moi.
    Ces mots désignaient depuis des années la suite de deux pièces à l’étage. La domestique acquiesça. À l’heure dite, elle cogna doucement à la porte, attendit avant de frapper encore, juste un peu plus fort.
    — Désolée, dit la propriétaire en ouvrant, je suis au téléphone. Entre.
    Mal à l’aise, Jeanne se tint au milieu du petit salon. La maîtresse des lieux réappliqua le cornet de bakélite contre son oreille et prit dans sa main la colonne en laiton surmontée de l’émetteur.
    — Maintenant, je dois te laisser, Hector. N’insiste pas, je ne me promènerai certainement pas sur la terrasse Dufferin aujourd’hui, même avec toi. Tu as vu cette neige !
    Jeanne perdit la réponse, entendit encore sa patronne dire: — Je suis sûre que nous aurons une autre occasion. A bientôt.
    Elle raccrocha ensuite, puis posa le téléphone sur son petit bureau.
    — Les hommes sont des êtres étranges. Un ami voulait se balader avec moi après le souper... Je ne me sens pas d’humeur à faire de la raquette aujourd’hui.
    Tout de même, son sourire indiquait que cet «ami»
    pourrait encore tenter sa chance sans risquer d’être repoussé.
    — Assieds-toi.
    Elisabeth occupa l’autre fauteuil, croisa les jambes et tâta du bout des doigts la théière sur le guéridon pour la trouver froide.
    — Tu as vu tout à l’heure une part de ton travail ici : servir à table et aider ensuite à faire la vaisselle. A cela, il faut ajouter le ménage des espaces communs, et même des chambres de messieurs les députés.
    — Et les étudiants ?
    — Ils doivent s’occuper eux-mêmes de mettre un peu d’ordre dans leur petit espace. Nous n’avons pas encore eu d'infestation de vermine.
    Un rire bref souligna ce constat. Soucieux de payer le moins possible pour leur logis, ces jeunes hommes ne grimaçaient pas trop à l’idée d’entretenir un habitat de cent pieds carrés.
    — Tout de même, toutes les semaines, il convient île changer les lits. Heureusement, nous faisons laver les draps à l’extérieur.
    — Ça ira, je vous assure.
    — La situation changera toutefois dans quelques mois.
    — ... Mais je voudrais un emploi pour les années à venir.
    Jeanne avait eu envie de dire «pour le reste de ma vie».
    Pourtant, elle avait eu l’impression d’avoir été très claire, quelques semaines plus tôt.
    — Bien sûr, viens voir.
    La propriétaire se leva pour s’approcher de la fenêtre.
    En écartant le rideau, elle expliqua :
    — Vois-tu la maison, de l’autre côté ?
    La neige réduisait la visibilité, mais le grand mur en brique restait bien discernable.
    — Je suis en voie de l’acheter, pour y loger une autre douzaine de personnes. Cela nécessitera d’augmenter le personnel. Comme tu as une longue expérience, je compterai sur toi pour encadrer deux jeunes filles.
    La domesticité actuelle de la maison ne suffirait plus.
    Elisabeth entendait s’appuyer sur une personne alliant compétence et reconnaissance pour l’épauler dans cette nouvelle entreprise.
    — Je pourrai compter sur toi pour quelques années, donc?
    Le sourire en coin amena un peu de rose sur les

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