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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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encore fait sa première communion, nul ne songeait à lui imposer de privations. Il accepta une tartine avec plaisir.
    Passé neuf heures, la maisonnée commença à s’activer.
    Quand elle émergea de sa chambre après de lents préparatifs, la vieille madame Dupire se fit joyeusement interpeller par sa petite-fille :
    — Grand-maman, tu as vu, il y a une tempête de neige.
    — Un 11 octobre ! Cela tient à toutes ces nouvelles machines qu’ils lancent dans le ciel. Ces grosses baudruches...
    — Ce sont des zeppelins, grand-maman, précisa Antoine tout en replaçant un peu sa cravate, debout devant le miroir de l’entrée.
    — ... Ça trouble le climat, continua l’aïeule, imperturbable.
    Elle ne commencerait pas à apprendre des mots allemands, à son âge. Fernand arriva dans le couloir sur ces entrefaites. Quand il jeta un coup d’œil en direction de la cuisine, Jeanne
    saisit
    l’occasion
    pour
    rejoindre
    la
    famille.
    Elle commença par attacher la curieuse casquette en cuir de Charles, qui lui donnait l’air d’un aviateur de la Grande Guerre.
    — Tu vas me promettre de faire très attention à toi, lui dit-elle en saisissant ses mains, la voix étranglée par une profonde émotion.
    — C’est juste un peu de neige mouillée. Cet après-midi, je vais faire un bonhomme. Tu voudras me donner une carotte pour le nez ?
    L’enfant prit le grognement étouffé de la bonne pour un oui. De toute façon, elle ne lui refusait jamais rien. Elle se redressa ensuite pour prendre le visage de Béatrice entre ses paumes.
    — Tu es une très jolie jeune fille, ne laisse jamais personne te dire le contraire.
    Déjà, à son âge, son tour de taille commençait à l’inquiéter. Les moqueries
    bien
    cruelles
    de
    quelques
    camarades
    de classe ne l’aidaient en rien. Ne sachant trop quoi répondre, émue pour une raison qui lui échappait, Béatrice laissa les larmes lui monter aux yeux.
    — Et toi, mon grand, tu promets de devenir un homme aussi bien que ton père ?
    Elle ne put se retenir de déposer un baiser sur la joue d’Antoine. Puis elle regagna la cuisine, le regard vers le sol, laissant les enfants désemparés. La vieille madame Dupire regarda son fils dans les yeux, puis se dirigea vers la porte sans rien dire.
    Devant la glace de l’entrée, Eugénie replaçait ses boucles blondes. Elle déclara, quand elle fut satisfaite du résultat :
    — Allons-y. Etre en avance permettra à certains d’entre nous de se confesser avant le début de la messe.

    La remarque s’adressait bien sûr à son mari, l’un des deux seuls véritables pécheurs habitant cette maison. Les enfants sortirent les premiers. Pendant que Fernand fermait la porte derrière lui, elle se retourna pour dire :
    — Qu’est-ce qui se passe, ce matin ? La bonne sent sa dernière heure venir ?
    — Si parfois tu pouvais juste fermer ta gueule, notre misérable vie serait un peu plus douce, répliqua sèchement Fernand.
    Elle demeura interloquée, debout sur la galerie. La veuve Dupire, témoin de la scène, eut un petit sourire de satisfaction.
    Compte tenu de la taille de la famille, et de celle de l’automobile, le trajet vers l’église prenait des allures d’expédition.
    Antoine
    ouvrait
    déjà
    le
    coffre
    arrière
    afin
    de
    révéler le rumble seat , un siège dissimulé, pour aider ensuite son frère Charles à y monter. L’instant d’après, les deux garçons s’y serraient l’un contre l’autre.
    L’habitacle recevait les femmes de la famille en plus du conducteur. Madame Dupire s’asseyait à côté de son fils. La vieille domestique, Béatrice et Eugénie s’entassaient à l’arrière.
    Très court, le trajet se fit dans un silence complet.
    La toute nouvelle église Saint-Dominique se dressait dans la Grande Allée. Fernand s’arrêta devant les portes, descendit pour aller aider sa mère à sortir du véhicule.
    L’opération se compliquait à cause des rhumatismes de la vieille dame. Quant à sa femme, au lieu de lui présenter son bras comme l’exigeaient les convenances, Fernand déclara :
    — Je dois retourner à la maison. Une petite urgence à régler. Je reviendrai vous prendre ici à la fin de la messe.
    Eugénie eut envie de faire une remarque, mais se rappela de justesse le conseil de son mari, lancé juste avant de quitter la maison. «Voilà qu’il rate la messe du dimanche pour aller faire des
    cochonneries
    avec
    elle»,
    songea-t-elle.
    Dès
    le lendemain, elle en aurait de

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