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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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consistait essentiellement en un renoncement. Renoncer aux plaisirs, renoncer à sa fierté, renoncer à sa propre liberté, en fait, pour qu’une autre personne dirige sa vie. Le garçon croyait que c’était s’abandonner à Jésus. En réalité, des porteurs de soutane réglaient les moindres détails de son existence.
    — Tu comprends, insista son hôte, les yeux baissés, tu ne verras pas les affiches de cinéma, les objets de luxe dans les vitrines des magasins, les menus dans celles des restaurants.
    — Bien sûr.
    — En classe, tu ne dois jamais regarder vers les fenêtres.
    Certains écoliers n’assistaient aux leçons que de manière passive, leur esprit gambadant dans les rues de la ville, ou alors dans les champs de leur enfance, dans le cas de pensionnaires venus de la campagne.
    — Il faut aussi garder les yeux baissés pour ne pas voir certains écrits. Quels journaux entrent dans la maison de tes parents ?
    Le changement brusque vers la forme interrogative surprit le visiteur.

    — L’Action catholique... mais mon père reçoit aussi Le Soleil.
    — Ne regarde jamais ce torchon.
    — Je ne peux pas demander à mon père de cesser de l’acheter.
    — Mais tu peux tenir tes yeux baissés.
    Monseigneur Buteau se promettait bien, le dimanche prochain en chaire, de rappeler à tous les paroissiens de ne pas laisser de mauvais journaux pénétrer dans leur maison.
    Certains, comme Onézime Lavallée, mériteraient une directive plus précise encore dans l’intimité du confessionnal.
    — Tu feuillettes parfois des livres où se trouvent des images ?
    Les voyageurs avaient la fâcheuse habitude de publier des récits où figuraient des photographies de contrées, et surtout de peuplades exotiques. Pour le bon abbé, ce dernier mot devenait un synonyme de «peu vêtues». Comment fermer les frontières de la province au périodique National Géographie ? Ce projet valait une nouvelle croisade.
    — Cela m’arrive, concéda le séminariste.
    — Ne le fais plus. Tu aimes lire ?
    — ... Oui.
    L’aveu lui vaudrait un nouvel interdit.
    — Ne lis que les ouvrages figurant au programme du Séminaire, ou alors les livres que je vais te recommander.
    J’ai mis une petite liste dans la marge de ton journal.
    En arrivant, Buteau avait remis à son auteur son premier cahier généreusement annoté, pour réclamer le second. Le garçon hocha la tête en guise d’assentiment.
    — Tu te souviens de ce que j’ai dit tout à l’heure, à ton arrivée ?
    — La mortification des yeux est la sauvegarde du cœur.

    — Cela devrait te procurer un sujet de méditation pour la semaine. Comme tu l’as sans doute compris, l’ensemble de nos conversations, jusqu’à maintenant, représente le début d’un code de vie.
    La conclusion équivalait à un congédiement. Au cours des prochains jours, Raymond noircirait des pages édifiantes sur ses efforts pour discipliner ses yeux. En allant ouvrir la porte donnant sur le jardin, le prélat demanda encore :
    — Quand tu te promènes dans la rue, ton regard doit aussi se poser sur les jeunes filles de ton âge, ou les femmes un peu plus âgées.
    — Non, pas vraiment.
    — Voyons, avec cette nouvelle mode de montrer ses jambes, ses bras, sa gorge même, ton regard doit être attiré.
    Il y en a même qui se présentent pour communier avec un bouton détaché ici.
    De la main, le prêtre désigna la naissance de son cou.
    Dans de pareilles circonstances, l’officiant refusait tout simplement de donner l’eucharistie.
    — Non, vraiment, mes yeux ne se portent pas sur elles.
    — Oh ! Dans ce cas, ce sont les garçons. Aucune amitié particulière ? Au Petit Séminaire, cela arrive.
    Raymond rougit violemment. Cela comptait pour un aveu. Monseigneur Buteau déclara :
    — Dimanche prochain, nous parlerons de la pureté.
    D’ici là, applique-toi bien.
    En se dirigeant vers son domicile de la rue Grant, le garçon résolut de réviser un peu le second cahier de son journal avant de le livrer en pâture à cet inquisiteur.

Chapitre 14

    Comme tous les dimanches, Jeanne assista à la messe basse à l’église Saint-Dominique. Elle revint à la maison un peu avant huit heures. A voir ses yeux rougis, on pouvait croire que le sermon avait été d’une tristesse infinie.
    Heureusement, le rez-de-chaussée était quasi désert. Les enfants demeureraient dans leur chambre jusqu’au moment de se mettre en route pour l’église, excepté Charles. N’ayant pas

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