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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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étrangers. Mais je
faisais confiance à Lombric pour garder un œil sur lui, et celui-ci ne m’ayant
rien rapporté de suspect, je me persuadai que mon compagnon s’était acheté une
conduite. Pour ma part, dans l’hôtel comme dans les auberges à vin ou à bière
de la place du marché de Lviv, j’entrepris de faire connaissance avec les
anciens de la ville, et les incitai à me conter tout ce qu’ils savaient de
l’histoire de leurs ancêtres dans cette région.
    Mais j’en trouvai fort peu de pure lignée germanique. La
plupart d’entre eux, frustes Slovènes au nez écrasé, ignoraient tout de leurs
origines et de leur propre histoire. Tout ce qu’ils purent me répéter, d’un air
morose et mélancolique, ce fut que les Slovènes, descendus à l’origine du nord
et de l’est, avaient ensuite migré à l’ouest et au sud.
    Dans une taverne proche du marché, je demandai à un vieil
homme :
    — Ce sont les Huns qui ont chassé vos ancêtres de leur
terre d’origine ?
    — Qui peut savoir ? répondit-il d’un ton
indifférent. Peut-être était-ce la faute des pozorzheni …
    — Des quoi ? fis-je, n’ayant plus entendu ce mot
depuis un bon moment.
    Il le traduisit laborieusement par diverses périphrases, et
je finis par comprendre qu’il voulait parler des « femmes dont il faut se
méfier ».
    —  Iésus, marmottai-je. J’en ai entendu parler
dans les hameaux perdus des solitudes, par des paysans superstitieux, mais jamais
je n’aurais cru que des gens civilisés comme ceux de Lviv pourraient redouter
une tribu de femmes. Ou même accorder foi à un mythe aussi absurde.
    — Eh bien nous y croyons, ajouta-t-il simplement. Et
nous prenons bien garde de ne point attiser leur colère, lorsqu’elles nous
rendent visite.
    — Comment ? Elles viennent ici ?
    — Chaque printemps, confirma-t-il. Oh, jamais bien
nombreuses. Elles ne se rendent à Lviv que pour se fournir en denrées que leur
tribu ne peut se procurer dans leurs solitudes orientales. Les reconnaître
n’est pas difficile. Elles sont lourdement armées et nues jusqu’à la ceinture,
tels des barbares à la peau tannée. Comme je vous le dis ! Elles se
pavanent fièrement, arborant d’un air bravache leurs mamelles dénudées.
    — Mais qu’ont-elles à vous vendre ?
    — Elles viennent avec des chevaux chargés de leur
récolte hivernale de peaux de loutres, ainsi que des perles d’eau douce
qu’elles ont ramassées. La peau de loutre n’est certes pas la plus recherchée,
et les perles produites par les moules de rivière n’ont pas grande valeur.
Pourtant, nous prenons soin de ne pas provoquer ces terribles créatures, et
sommes d’une extravagante générosité dans tous nos échanges avec elles. De
mémoire d’homme, jamais elles n’ont attaqué notre ville, ni pillé un fermier
alentour.
    Sceptique, je ne pus m’empêcher d’enchaîner :
    — Si je comprends bien, et d’après ce que vous me
dites, leur attitude provocante n’est rien d’autre que de l’intimidation… Et
même si elles ont été naguère redoutables, elles sont peut-être devenues aussi
douces et dociles que des brebis.
    — J’en doute, lâcha-t-il. Dans mes jeunes années, je
fus de ceux qui, dans cette rue que vous voyez là-bas, arrêtèrent un cheval fou
qui arrivait de l’Est. Son cavalier était mourant quand nous l’aidâmes à en
descendre, et il agonisa sans dire un mot de ce qu’il avait vécu parmi les pozorzheni, ni raconter comment il leur avait échappé. Il aurait eu du mal à nous le
dire, en fait, car il tenait sa langue arrachée dans une main. Mais sa fuite
désespérée avait dû lui causer une douleur absolument insoutenable, car sa
chair était à vif sur tout le corps. En fait, il avait été entièrement dépecé.
Et nous n’eûmes la certitude qu’il s’agissait d’un homme que quand nous
trouvâmes ce qu’il portait dans l’autre main : ses parties génitales.
    Lorsque je revins à l’ hospitium pour y prendre mon
dîner, j’avais sans doute choisi la mauvaise heure, car il était bondé. La
salle à manger n’était pas très spacieuse, mais l’espacement entre les couches
suffisant. Elle comprenait de longues tables à lattes de bois bordées de bancs,
tous assez serrés. Je me glissai sur un de ces bancs entre deux dîneurs, et me
rendis compte alors que je m’étais assis juste en face de Thor. Au moment où
nos regards se croisèrent, il ouvrit grand les yeux de surprise,

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