Théodoric le Grand
qui
a trait à la construction navale.
— Eux non, sans doute, rebondit Lentinus. Mais moi,
oui.
Le sourire de Théodoric s’élargit.
— Vous nous aideriez à bâtir une flotte de
guerre ?
— Pas une flotte de guerre. Ce serait une violation de
ma neutralité. Et construire une telle flotte prendrait de toute façon des
années. Mais il vous suffit de disposer de larges boîtes pouvant être menées à
la rame jusqu’au port de Classis, rien de plus ! Vous n’auriez qu’à y
disposer suffisamment de guerriers pour dissuader tout bateau de ravitaillement
d’approcher. Il y a sans doute chez les vôtres des charrons et des ferronniers
dignes de ce nom. Envoyez-les aux chantiers navals d’Ariminum, je leur
montrerai comment faire.
— Qu’il en soit ainsi ! s’exclama Théodoric, ravi.
Il envoya aussitôt les généraux Pitzias et Ibba rassembler
les travailleurs en question.
*
Quand revint le printemps, ces préparatifs de resserrement
du blocus n’étaient pas achevés. C’est alors qu’arriva de Constantinople l’un
des rapides vaisseaux coursiers de Lentinus, avec à son bord un messager grec
porteur des dernières nouvelles. Zénon avait fini par succomber, et son
successeur au Palais de Pourpre était un nommé Anastase. Presque aussi âgé que
Zénon, il n’avait été jusque-là que fonctionnaire secondaire du Trésor et ne
s’était guère distingué à ce poste. C’était la veuve de Zénon, la basilissa Ariane, qui l’avait personnellement désigné. Exigeant sans délai un équitable
paiement pour cette distinction, elle l’avait immédiatement épousé.
— Faites part à l’empereur de mes félicitations… sans
oublier de lui présenter mes condoléances, enjoignit Théodoric au messager.
Mais n’a-t-il rien dit me concernant ? Une reconnaissance de mon propre
avènement ?
— Oukh, rien de la sorte, je le regrette. (Le
messager haussa les épaules.) Et si vous me permettez cette irrévérence, je
vous suggère de n’attendre de sa part aucun geste volontaire. Comme tous ceux
qui ont eu à gérer une somme rondelette, c’est un grippe-sou, adepte des
économies de bouts de chandelle. Ouá, n’espérez rien obtenir d’Anastase
sans avoir préalablement sué sang et eau.
Théodoric continuait à gouverner l’Italie sans l’ aegis impérial, forcé de s’en remettre à la force du jus belli et à l’estime
grandissante de la population. Juste après cette nouvelle, finalement sans
grand intérêt, venue de l’Est lointain, en arriva une autre du Nord, qui menaça
de ternir la popularité que Théodoric avait acquise jusque-là.
Un autre contingent armé s’était frayé un passage à travers
les Alpes, cette fois par la passe du Grand-Saint-Bernard. Il s’agissait
apparemment de troupes burgondes, emmenées par le roi Gondebaud. Mais loin
d’être un nouveau geste de solidarité germanique émanant d’un cousinage royal,
cette incursion ne provenait que de l’avidité de Gondebaud à exploiter la
situation troublée de l’Italie. Une fois descendues de la montagne, ses troupes
atteignirent les pâturages et les vallées cultivées situés du côté italien.
C’est là qu’étaient stationnés nos alliés wisigoths, sur les terres conquises
au printemps précédent, qu’ils occupaient depuis lors le plus pacifiquement du
monde, apparemment satisfaits de leur sort. Théodoric n’avait pas jugé utile
d’occuper militairement une région où n’existaient que de minuscules villages
paysans, et où le premier tribunal mixte – avec judex et
maréchal – se trouvait dans la cité ligure de Novaria. Aussi les troupes
burgondes rencontrèrent-elles peu de résistance lorsqu’elles se livrèrent au
pillage rapide, et sans doute peu profitable, de ces vallées. Mais elles
aggravèrent leur cas en emmenant comme esclaves une centaine de paysans locaux
au royaume de Gondebaud.
— Maudit enfant de putain ! fulmina Théodoric,
enragé. Je m’échine à fédérer tous les étrangers occupant cette terre sous la
bannière commune d’une nouvelle fierté, faite de dignité et de respectabilité
et voilà que ce tetzte de Gondebaud décide soudain, de lui-même, de
jouer les Attila et de venir s’emparer d’un troupeau d’esclaves. Que le diable
l’emmène faire un somme en enfer, puisse-t-il y geler ou y rôtir !
Mais faute de pouvoir poursuivre les malfaiteurs à travers
les Alpes du Nord, nous ne pûmes faire grand-chose pour
Weitere Kostenlose Bücher