Titus
la flotte de Misène que Néron avait promis de constituer en légion. Lorsqu’ils avaient réclamé que le nouvel empereur respectât la parole de son prédécesseur, Galba les avait fait charger et égorger par la cavalerie prétorienne.
Mais celle-ci, comme toutes les unités prétoriennes, ne lui était plus fidèle. Galba était désormais sans défense.
Othon avait versé à chaque soldat dix mille sesterces et en avait promis cinquante mille autres si on le débarrassait du vieillard.
Quand, aux ides de janvier, six mois à peine après avoir été désigné comme empereur, Galba s’est avancé sur le Forum, c’est un homme seul que ses assassins attendaient.
J’ai assisté comme des milliers d’autres Romains au meurtre de Galba.
Il est arrivé en litière, tout près de ce qu’on appelle le lac de Curtius et qui n’est qu’un puits creusé au milieu du Forum, mais on assure que par cette cavité on accède aux divinités infernales.
La foule s’est approchée de la litière et a commencé à la secouer.
Elle n’était plus qu’un frêle esquif soulevé par la tempête. On en a arraché l’enseigne impériale.
Tout à coup, j’ai entendu le piétinement des chevaux. La cavalerie prétorienne est apparue à l’extrémité du Forum. La foule a reflué sur les côtés, occupé les portiques, les lieux élevés pour assister au spectacle. Et je n’ai été que l’un de ces Romains qui virent les cavaliers lancer leurs javelots sur la litière.
Galba en est sorti, le corps déjà couvert de blessures. Je l’ai vu lever la tête, offrir son cou au glaive d’un centurion.
Plus tard, on a rapporté qu’il s’était écrié : « Faites, si cela vaut mieux pour le peuple romain ! »
Il tombe. On coupe sa tête. On la plante sur une pique. On l’exhibe, et la foule hurle. On court en secouant la lance ruisselante de sang. On apporte la tête à Othon, puis on range devant le nouvel empereur les têtes des affranchis de Galba, Icelus, Vinius, Laco.
Des soldats trempent leur glaive dans le sang des égorgés, d’autres y plongent les mains. On montre ses paumes, ses doigts ensanglantés, sa lame rougie à Othon, et on réclame des récompenses pour ces meurtres, cette élection au trône impérial.
Le Sénat se réunit, prête serment à Othon.
Et, pendant ce temps-là, les têtes de Galba et de ses affranchis sont souillées, mutilées.
On vend celle de Vinius à sa fille pour deux mille cinq cents drachmes.
On remet celle de Galba aux esclaves d’un affranchi de Néron que Galba avait fait assassiner. Et les esclaves jouent avec elle, la brandissent, la font rouler sur le sol, crient en se moquant : « Galba, dieu de l’Amour, jouis de ta jeunesse ! »
Le vieil homme prétendait en effet que son sexe était aussi aigu et rigide qu’une lance de jeune soldat !
Puis on jette cette tête, là, dans ce lieu qui s’appelle Sessorium, où sont abandonnés aux rapaces, aux chiens et aux vautours les corps de ceux qui sont condamnés par César.
J’ai dit à Ben Zacchari qu’entre Vespasien et le trône impérial il ne restait plus, maintenant que la tête de Galba avait été livrée aux charognards, que les cadavres d’Othon et de Vitellius.
Les légions de chacun de ces empereurs – l’un plus légitime que l’autre, puisque Vitellius n’avait pas reçu le serment des sénateurs, mais l’un tout aussi débauché que l’autre – s’apprêtaient au combat.
Elles se rencontrèrent entre Vérone et Crémone, au lieu dit Bedriac. Le sang de la guerre civile ruissela comme un torrent. Quatre-vingt mille cadavres de soldats romains jonchèrent le sol de la Gaule Cisalpine.
Othon, vaincu, cala son poignard sur le sol. Il le tint droit, des deux mains, puis se laissa tomber de son haut sur la pointe et ne souffrit que le temps de pousser une plainte. Ainsi ont dit ceux qui ont vu son corps ensanglanté. Mais qui sait au juste ce qu’il en est de l’instant de mourir ?
Ses soldats le pleurèrent, embrassèrent son cadavre, certains s’égorgèrent de désespoir devant le bûcher où son corps se consumait.
Tous ceux qui survécurent et refluèrent devant les légions victorieuses vouèrent une haine implacable au vainqueur d’Othon, ce Vitellius, nouvel empereur, qui marchait vers Rome.
Il me fallait quitter la ville au plus vite.
J’ai convaincu Ben Zacchari que Vitellius le débauché, le général des légions de Germanie, le délateur
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