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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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sont plongés jusqu’au nombril dans un fleuve gelé. Un vent froid cingle leur nudité avant que l’eau ne se transforme en glace.
    Les coléreux sont emprisonnés dans une cave obscure, des démons armés les menacent de couteaux pour leur reprocher leurs courroux. Les avaricieux se débattent dans un vaste chaudron et sont donc promis à une inexorable et lente cuisson. Les gloutons sont représentés dans une vallée traversée par un fleuve aux eaux fétides. Sur la rive sont dressées des tables où règnent en maîtres crapauds, serpents et autres reptiles empruntés aux temps préhistoriques. Les luxurieux sont, eux, introduits dans des cheminées d’où émanent soufre et puanteurs ; quant aux paresseux, ils sont abandonnés à des nœuds de serpents venimeux…
    — Personne n’est épargné ! objecta Théo.
    — Passer sous les fourches caudines du Jugement divin relève de la performance ! rétorqua Hélène, amusée par tant de croyances d’un autre temps.
    — Je n’ai aucun doute sur mon sort, je vais droit en Enfer ! proclama Trélissac.
    — Pour quel motif ? s’enquit Mme Cantarel.
    Théo marqua un temps d’arrêt, regarda le plafond de la cathédrale où des anges en or lui promettaient la rédemption, puis, d’un sourire qui valait toutes les absolutions, se tourna vers celle qui le poussait dans ses derniers retranchements :
    — Selon vous ?
    — L’orgueil pourrait être une raison, mais elle ne saurait être suffisante, l’envie et la colère ne sont pas, me semble-t-il, cher Théo, vos traits majeurs. Pas plus que l’avarice ou la paresse. Reste : la gloutonnerie et la luxure !
    — La première relève de mon goût immodéré pour les bonnes choses, la seconde est la conséquence de mon goût tout aussi immodéré pour les... belles choses !
    — C’est fou ! Mais vous êtes rouge comme une pivoine, Théo !
    — Ce sont les flammes de l’Enfer qui déjà me dévorent. J’en appelle à votre miséricorde !
    Quand Hélène et le jeune Trélissac abandonnèrent les flammes de Lucifer pour retrouver la lumière du jour, le parvis de la cathédrale n’était qu’une flaque de soleil.
     
    À leur retour au musée, quand ils passèrent devant la loge de Micheline Labatut, flottait une appétissante odeur de beignets de fleurs d’acacia.
    — Quel supplice ! J’ai une de ces dalles, confia Théo à Hélène en se frottant l’estomac.
    Elle partageait la même fringale, mais faisait mine de se détacher de toutes considérations gastronomiques, laissant à son mari le soin de régir les problèmes de cantine.
    Il n’était pas loin de midi et Jean Dorléac affichait sa tête d’administrateur un peu dépassé par les événements. Pourtant, il venait de recevoir l’assurance que le tout nouveau système d’alarme serait installé sous quarante-huit heures par la société de Besançon accréditée par le musée des Monuments français.
    Le musée Marmottan avait mis cet investissement de quelques dizaines de millions de centimes comme préalable à tout prêt de « ses » Monet. Ainsi Toulouse-Lautrec et le peintre de Giverny seraient, en théorie, à l’abri de toute intrusion nocturne.
    Auparavant, à la manière d’un horloger, Séraphin Cantarel s’était penché sur les nouvelles techniques récemment mises au point en matière de détection de mouvements dans l’obscurité. Il était même question d’installer des caméras dans certains lieux, dits « sensibles », du palais, dont la surveillance incomberait au gardien de nuit. Désormais, il appartenait au secrétariat d’État à la Culture de débloquer quelques crédits supplémentaires afin que cette innovation fasse son entrée au musée d’Albi.
    Entre-temps, l’expert descendu la veille de Paris s’apprêtait à rendre son verdict quant à l’éventualité d’autres faux parmi les collections exposées.
    — Après examen, je peux vous certifier, monsieur le conservateur, que toutes les œuvres actuellement accrochées sont, sans exception aucune, authentiques !
    — Vous êtes formel ? insista Cantarel.
    — Catégorique !
    — Même le Tapir ?
    — Quel Tapir ? s’étonna l’expert en faisant glisser ses lunettes sur l’arête de son nez de fouine.
    — C’est ainsi que Lautrec désignait son cousin germain, Gabriel Tapié de Céleyran. Il l’a croqué merveilleusement dans deux dessins où on le voit de profil, long et étriqué. La caricature

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