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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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La vie est cruelle, n’est-ce pas ?
    Dans son dos, Théo entendait les supputations des deux conservateurs. Ses yeux s’étaient maintenant habitués à l’obscurité. Coustot et lui prirent une cheville de la malheureuse et traînèrent le cadavre d’une pièce à l’autre jusqu’à ce que la lumière laiteuse éclaircisse le corps encore paré de ses bijoux. Manifestement, le vol n’était pas le mobile de ce crime crapuleux.
    Dans ce transport sans ménagement auquel avaient assisté, blêmes et silencieux, Séraphin et Dorléac, la victime avait perdu sa belle chevelure blonde. L’étranglée portait donc une perruque.
    Théo détaillait à présent ce corps gisant à ses pieds. Il lui inspirait du dégoût, de l’horreur, mais aussi un sentiment d’étrangeté. Le cadavre, déjà livré aux mouches, le dérangeait sans qu’il sache dire pourquoi. Le fourreau de la robe en soie avait souffert de ce transfert. À plusieurs endroits, il s’était déchiré, laissant entrevoir le galbe d’une des jambes de la suppliciée encore gainée d’un bas résille.
    Jean Dorléac avait préféré sortir du hangar rouillé plutôt que de supporter la vision de ce cadavre fétide qui avait déjà entamé sa décomposition. Séraphin l’avait imité et tentait d’absorber des bouffées d’oxygène pour recouvrer une vitalité battue en brèche par tant d’imprévus.
    Seuls Coustot et Théo contemplaient ce polichinelle désarticulé dont le visage était entaillé d’un rictus.
    Tout à coup, Théo ne put réprimer un fou rire qui secoua ses larges épaules.
    — Qu’est-ce qui vous prend, monsieur Trélissac ? s’inquiéta le policier.
    — Rien, c’est nerveux, commissaire !
    Théo riait de plus belle.
    — Non, c’est idiot, ce que je vais vous dire, monsieur Coustot. Mais j’ai comme l’impression que notre Rita Hayworth est en réalité un travelo !
    Le commissaire considéra Trélissac d’un œil approbateur.
    — Nous allons en avoir le cœur net ! rétorqua l’homme de la PJ qui, d’une main ferme, déchira plus encore la robe de la victime.
    Sa culotte blanche affichait une protubérance qui ne laissait aucun doute sur la nature de son sexe.
    — Monsieur Dorléac, venez voir ! hurla Coustot.
    — Monsieur le commissaire, si vous pouviez m’épargner ce genre de spectacle, je vous en serais extrêmement reconnaissant !
    — Je ne veux précisément rien vous épargner. Mais j’ai comme l’impression que la victime fait partie de votre personnel…
    — Que me dites-vous là ?
    Le conservateur du palais de la Berbie balaya son front de la manche avant d’affronter le macabre spectacle. Séraphin l’imita.
    — Mais… Mais c’est Dupuy, nom de Dieu ! s’exclama Dorléac.
    — Et la mort ne remonte pas à hier ! assura Coustot qui n’en était pas à ses premiers macchabées.
    — Pensez-vous, commissaire, qu’elle est concomitante du vol des Lautrec ? demanda Séraphin.
    — Seule l’autopsie pourra le déterminer, mais cela ne me paraît pas improbable.
    — Pauvre Dupuy ! répétait inlassablement Dorléac, qui ne pouvait se résoudre à la mort de son gardien de nuit.
    Coustot fouilla nerveusement les poches de son pantalon avant d’en extraire son paquet de Gitanes. Il s’empressa de griller l’une d’entre elles, mais l’odeur du tabac brun ne parvenait pas à dissiper celle, pestilentielle, qui se dégageait du cadavre.
    — Et de deux !
    — Pardon, commissaire ? bredouilla Dorléac, l’air visiblement absent.
    — Je disais que votre affaire a déjà fait deux morts et nous ne sommes pas au bout de nos peines. Un suicide, un homicide, deux vols, dont un sans effraction, il va falloir que je demande du renfort à Toulouse.
    Quand les hommes abandonnèrent le cadavre de « Petit Paul », le milan noir signait de nouvelles arabesques au-dessus des eaux safranées du Tarn.
    Il n’était pas loin de midi et personne n’avait d’appétit. Dans moins de deux heures, le corps de Paul Dupuy reposerait à la morgue d’Albi sous un drap blanc, aussi blanc que les lilas qui enchantaient son petit jardin tapissé de crocus.
    Qui désormais nourrirait le vieux matou du 47 de la rue du Puits-Vert ? Margot peut-être ?
    La vieille femme tomberait certainement de l’armoire en apprenant le lendemain dans La Dépêche, Le Tarn libre ou La Croix du Midi que son « si gentil voisin » se travestissait tous les week-ends et s’exhibait sur les

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