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Tourgueniev

Tourgueniev

Titel: Tourgueniev Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Maurois
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milieu qui nous est assez bien connu puisque c'est celui de Sand, de Flaubert, plus tard celui des Goncourt, d'Alphonse Daudet,de Zola et même du jeune Maupassant. Pour Sand, nous avons dit qu'il avait toujours eu une très vive admiration. Elle avait été le maître de sa jeunesse. Plus tard il avait compris que la vision du monde qu'elle lui avait apportée était un peu vague, mais il lui avait dû «la vérité incomplète qui a trouvé et trouvera toujours des amoureux à l'âge où la complète vérité est encore inaccessible ».
    Avec Flaubert il était plus intime. Il l'avait connu en 1858 et ils étaient devenus intimes en 1863. « Il y avait, dit Alphonse Daudet, un lien, une affinité de naïve bonté entre ces deux natures géniales; c'était George Sand qui les avait mariés. Flaubert, hâbleur, frondeur, Don Quichotte, avec sa voix de trompette aux gardes, la puissante ironie de son observation, ses allures de Normand de la conquête, est bien la moitié virile de ce mariage d'âmes ; mais qui donc, dans cet autre colosse aux sourcils d'étoupe, aux méplats immenses, aurait deviné la femme, cette femme à délicatesses aiguës que Tourguéniev a peinte dans ses livres, cette Russe nerveuse, alanguie, passionnée, endormie , comme une Orientale, tragique comme une force en révolte ? Tant il est vrai que dans le brouhaha de la grande fabrique humaine les âmes se trompent souvent d'enveloppes, âmes d'hommes dans les corps femmelins, âmes de femmes dans des carcasses de cyclopes. »
    Les deux hommes avaient le même souci de la perfection dans l'écriture, avec plus de simplicité chez Tourguéniev. Dumas a dit que Flaubert était un géant qui abattait une forêt pour faire des boîtes d'allumettes. Tourguéniev abattait ses arbres minces et blancs pour construire des maisons de bois de grandeur humaine. Mais leur commun respect pour l'art les rapprochait. Flaubert qui appelait Tourguéniev « le bon Moscove »le considérait comme le meilleur des conseillers littéraires : « J'ai passé hier une bonne journée avec Tourguéniev, à qui j'ai lu les cent quinze pages de Saint Antoine qui sont écrites. Après quoi je lui ai lu à peu près la moitié des Dernières chansons. Quel auditeur ! et quel critique ! Il m'a ébloui par la profondeur et la netteté de son jugement. Ah! si tous ceux qui se mêlent de juger les livres avaient pu l'entendre, quelle leçon ! Rien ne lui échappe. Au bout d'une pièce de cent vers, il se rappelle une épithète faible ! Il m'a donné pour Saint Antoine deux ou trois conseils de détail exquis. »
    Après la guerre de 1870, Tourguéniev prit l'habitude d'aller tous les dimanches chez Flaubert qui, vêtu d'une gandoura, un fez sur le crâne, recevait alors à Paris, dans son appartement du parc Monceau. Tourguéniev apportait un volume de Goethe ou de Swinburne et traduisait, à livre ouvert, pour ses amis. Henry James venait quelquefois. Puis Flaubert dut déménager et les réunions eurent lieu faubourg Saint-Honoré. « On parlait surtout, nous dit Henry James, de questions de forme. Tous ceux qui étaient là pensaient que l'art et la morale sont deux choses entièrement différentes et que le seul mérite d'un roman est d'être bien écrit. »
    Tourguéniev était quelquefois très étonné par les idées et les théories esthétiques de Flaubert. Tous deux avaient commencé par le romantisme, mais Flaubert était resté plus romantique que Tourguéniev. On imagine la surprise du « bon Moscove » quand il lisait dans une lettre de Flaubert : « Si je continue de ce train-là, j'aurai fini Hérodias à la fin de février... Que sera-ce? Je l'ignore. En tout cas, ça se présente sous les apparences d'un fort gueuloir, car, en somme, il n'y a que ça : la gueulade, l'emphase, l'hyperbole. Soyons échevelés. » Il y avait longtemps que Tourguéniev, lui, avaitrenoncé à être échevelé et qu'il avait horreur des gueulades.
    Un jour Flaubert dit à M me Sand son chagrin de ne pas être d'accord avec ses amis sur un certain type de prose française qu'il aimait : « Mais comme il est difficile de s'entendre ! Voilà deux hommes que j'aime beaucoup et que je considère comme de vrais artistes, Tourguéniev et Zola. Ce qui n'empêche qu'ils n'admirent nullement la prose de Chateaubriand et encore moins celle de Gautier. Des phrases qui me ravissent leur semblent creuses. Qui a tort? et comment plaire au public quand vos plus proches sont si loin? Tout cela

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